De Eva Victor | Par Eva Victor
Avec Eva Victor, Naomi Ackie

Chronique : Il arrive qu’un film dont on n’attend pas grand-chose finisse par nous cueillir sans crier gare. Sorry, Baby est de ceux-là. Le film de Eva Victor ne séduit pas immédiatement, peu aidé par une communication plutôt austère (trailer, affiche, pitch). Mais il est beaucoup plus que ce qu’il laisse deviner a priori et nécessite de se laisser apprivoiser. Il regorge d’une foule de petits détails qui ne se révèlent qu’à l’écran. Il est de ces œuvres qu’il faut découvrir en en sachant le moins possible (et savoir ça, c’est déjà trop).
Remuant plus qu’émouvant, le film est très habile dans sa manière de raconter son héroïne, ce qu’elle porte en-elle et contre quoi elle lutte. Tout repose sur la découverte, sur notre rencontre de spectateur avec Agnes, lointaine cousine de la Fleabag de Phoebe Waller-Bridge, et comment nous allons apprendre à la connaitre.
La structure narrative par chapitres non chronologique permet à la réalisatrice de mettre l’emphase là où elle sait que son message aura le plus d’impact, tout en suggérant le chaos qui règne dans la tête de son personnage. Elle use aussi pour cela d’effets de mise en scène audacieux, très pensés sans être ostentatoires, comme ce long plan fixe sur une façade de maison. Et lorsque l’on comprend ce qu’Agnes a subi et où Eva Victor a cherché à nous emmener, le récit reste toujours remarquablement nuancé. La réalisatrice parvient à traduire les difficultés traversées pour surmonter un évènement traumatique et se reconstruire, à montrer les doutes qui vont jusqu’à remettre en question la légitimité du statut de victime. Tout cela avec une sobriété tantôt rude, tantôt poétique.
Sorry, Baby est aussi un film qui célèbre une sororité discrète, qui dit peu mais suggère beaucoup de la résilience des liens amicaux, de ce qui reste immuable et bien en place quand tout s’écroule. C’est tout ce qui fait la beauté simple et puissante de Sorry, Baby.
Avec ce premier film qui en appelle forcément d’autres, Eva Victor fait très forte impression et témoigne d’une maturité épatante.

Synopsis : Quelque chose est arrivé à Agnès. Tandis que le monde avance sans elle, son amitié avec Lydie demeure un refuge précieux. Entre rires et silences, leur lien indéfectible lui permet d’entrevoir ce qui vient après.