Les Dents de la Mer (1975) de Steven Spielberg

A l'origine du projet ce sont avant tout les producteurs David Brown et Richard D. Zanuck qui acquiert les droits du roman  roman "Jaws" (1974) de Peter Benchley, ancien journaliste passionné par les univers marins qui sera encore adapté juste après avec "Les Grands Fonds" (1977) de Peter Yates et "L'Île Sanglante" (1980) de Michael Ritchie. Les producteurs achètent les droits avant même que le livre devienne le best-seller aux 5 millions d'exemplaires vendus, en lisant un article du Cosmopolitan qui conclut : "ce n'est pas de la grande littérature, mais on pourrait en tirer un bon film." Les producteurs proposent le projet à Steven Spielberg dont ils ont produit juste avant "Sugarland Express" (1974), joli succès d'estime après avoir signé son premier long métrage avec l'excellent "Duel" (1972). Les producteurs engagent également l'auteur comme scénariste, précisons d'ailleurs Peter Benchley s'est inspiré d'un article du New York Daily News en 1964 relatant la capture d'un requin ainsi que d'une véritable série d'attaques de requins survenue dans le New Jersey en 1916. Steven Spielberg reprend ensuite le scénario avec Carl Gottlieb qui avait écrit pour la télévision et joué dans le téléfilm "La Chose" (1972) de Spielberg. Le scénario va évoluer encore avec les apports de John Milius scénariste rénommé pour "L'Inspecteur Harry" (1971) de Don Siegel ou "Jeremiah Johnson" (1972) de Sydney Pollack et passé derrière la caméra avec "Dillinger" (1973), puis également le dramaturge Howard Sackler connu pour avoir co-signé les premiers films "Fear and Desire" (1953) et "La Baiser du Tueur" (1955) de Stanley Kubrick. Avec un budget initial de 4,5 millions le film va finalement être doté d'un budget de 9 millions de dollars ce qui n'en fait pas la superproduction originelle qu'on nous vend souvent, par exemple la même année sot "Le Parrain II" de Francis Ford Coppola ou "La Tour Infernale" de John Guillermin ont des budgets bien plus conséquents. Ce qui va tout changer c'est la mise en place d'une promo d'envergure suivi d'un succès mondial et inédit du film, d'abord acclamé par la critique le film engrange plus de 470 millions de dollars au box-office mondial devant alors le plus gros succès de tous les temps (sans compter l'inflation) avant d'être détrôné par "Star Wars" (1977) de George Lucas. En prime le film est auréolé de trois Oscars, du meilleur Montage, de la meilleure musique et du meilleur Son. Le film entre dans l'Histoire, et lance la mode des blockbusters estivaux, la musique devient tout aussi culte, et le film devient même une carte postale à tel point que Martha's Vineyard, station balnéaire qui sert de décor à Amity, a vu son nombre de vacanciers explosés dès la saison estivale suivante. Ironie du sort, Amity deviendra encore plus célèbre avec le film d'horreur "Amityville" (1979) de Stuart Rosenberg. Habituellement plus sévère qu'en France, étonnamment le film n'a pas de réelle interdiction aux Etats-Unis avec un classement PG soit avertissement avec autorisation parentale pour les mineurs, tandis qu'en France le film est interdit au moins de 13 ans lors de sa sortie en salles... 

Quelques jours avant le début de la saison estivale, la petite station balnéaire d'Amity est en émoi après la découverte d'un corps atrocement mutilé. Le nouveau chef de la police Martin Brody doit se rendre à l'évidence, il s'agit d'une attaque de requin mais il se heurte à la population comme aux autorités municipales, les premiers voulant profiter des vacances, les seconds sont surtout intéressés par les retombées économiques... Martin Brody, chef de la police est interprété par Roy Scheider alors en pleine apogée entre "Klute" (1971) de Alan J. Pakula, "French Connection" (1971) de William Friedkin et "Marathon Man" (1976) de John Schlesinger et retrouvera dans la suite "Les Dents de la Mer 2" (1978) de Jeannot Szawarc les scénaristes ainsi que son épouse à l'écran Lorraine Gary qui retrouvera le squale dans "Les Dents de la Mer 2" (1978) et pour l'ultime "Les Dents de la Mer : la Revanche" (1987) de Joseph Sargent mais avant elle retrouvera Spielberg pour "1941" (1979) à l'instar de l'acteur Murray Hamilton qui sera aussi dans "Les Dents de la Mer 2" (1978), qui jouera également dans "Amityville" (1979) et retrouve après "Le Lauréat" (1967) de Mike Nichols son partenaire Richard Dreyfuss qui retrouvera Spielberg pour "Rencontres du Troisième Type" (1977) et "Always" (1989) avant de rendre hommage à son personnage dans "Piranha 3D" (2010) de Alexandre Aja. Citons ensuite le chasseur de requin Quint alias Robert Shaw vu auparavant dans "Bons Baisers de Russie" (1963) de Terence Young, "Un Homme pour l'Eternité" (1966) de Fred Zinnemann ou "L'Arnaque" (1973) de George Roy Hill, n'oublions pas Jeffrey Kramer qui sera dans la suite "Les Dents de la Mer 2" (1978) avant de devenir producteur télé avec notamment la série Tv "Ally McBeal" (1997-1999), puis la malheureuse première victime Susan Backlinie qui retrouvera son réalisateur et Lorraine Gary dans "1941" (1979), puis enfin n'oublions pas les auteurs Peter Becnley en caméo d'un intervieweur et Carl Gotlieb vu auparavant dans les films "M.A.S.H." (1970) et "Le Privé" (1973) tous deux de Robert Altman... Bon disons-le de suite, affirmons et rappelons que non le Grand Requin Blanc n'est pas un mangeur d'homme ! Et donc toute cette facette du film est erronée et donc zoologiquement parlant bien peu intéressant contrairement par exemple au tout aussi excellent "Orca" (1977) de Michael Anderson, titre qui rappelle forcément le nom du bateau de Quint/Shaw. Mais Spielberg compense par une mise en scène audacieuse, à saluer surtout qu'il n'a pas été aidé par les requins animatroniques, qui ont été confectionné par Robert A. Mattey, spécialiste des effets spéciaux ayant notamment oeuvré sur "20000 Mille Lieues sous les Mers" (1954) de Richard Fleischer ou "Mary Poppins" (1968) de Robert Stevenson. En effet, les animatroniques et autres maquettes étaient si encombrantes, si peu malléables que le réalisateur a opté pour un maximum de hors champs, montrant que très peu le requin ce qui a accentué le film vers une peur plus psychologique que gore. Par là même le travail de montage a été encore plus ardu d'ailleurs salué par un Oscar pour Verna Fields qui retrouvait Spielberg après "Sugarland Express" (1974). Ajoutons la qualité de la photographie due à Bill Butler qui était nommé à l'Oscar pour son travail sur le concurrent direct à la cérémonie et vainqueur "Vol au-dessus d'un Nid de Coucou" (1975) de Milos Forman.

Mais le point qui est rentré à la postérité et dans l'inconscient collectif est bel et bien la musique signée de John Williams qui retrouve Spielberg après "Sugarland Express" (1974) et qui va devenir le compositeur attitré et fidèle du réalisateur. Une musique entêtante qui glace d'effroi dès les premières notes entendus dès le début du film. Le film pêche donc par son approche caricaturale et faussée des requins, mais reste un bijou de mise en scène dans sa façon de placer les instants d'effroi dans la seconde qui suit un moment de bonheur simple symbolisé par des familles à la plage et ce, malgré de nombreux faux raccords et autres maladresses comme le soucis de dates entre les deux premières victimes au début du film, l'immatriculation changeante du bateau Orca, les fausses dents en caoutchouc du requin qui se délite ou encore le bandeau apparaissant disparaissant de Quint/Shaw... etc... liste non exhaustive... Le paramètre le plus ridicule (et qui coûte la 4ème étoile) du film repose sur le personnage de Matt Hooper/Dreyfuss censé être un océanologue mais qui semble être aussi chasseur de requins et surtout un médecin légiste-vétérinaire de génie ! Heureusement, si Brody/Scheider fait le job c'est bien l'inénarrable Quint/Shaw qui sort du lot, un personnage haut en couleur, truculent de vieux loup de mer qui marque le récit par une entrée fracassante à la réunion, et une sortie aussi tragique que sanglante. En conclusion, un film marquant du Septième Art, mythique mais qui reste sans doute légèrement surestimé. A voir assurément.

Note :                 

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17/20