A normal family

normal family

Famille je vous aime, famille je vous hais

Condensé d'ironie derrière le titre de ce film réalisé par le coréen Jin Ho Hur. Deux frères, un avocat matérialiste et un chirurgien idéaliste, se retrouvent régulièrement avec leurs épouses pour dîner dans un restaurant chic de Séoul lorsqu'une affaire criminelle qui les implique explose sur la scène médiatique. Alors leur sens de la morale va être mis à l'épreuve. Tiré d’un roman néerlandais (« Le dîner »), une richesse de thèmes accompagne ce film tendu de bout en bout : la violence, l'argent, la famille, l'adolescence et le dialogue rompu avec entre adultes et enfants,… C’est aussi et encore une énième radiographie réussie et assumée de la société coréenne dans son ensemble : comment faire face à l’incroyable croissance de ces dernières années en Corée sans perdre ses repères et garder ses valeurs. En effet ce film ausculte la perte des valeurs morales d’un pays en décomposition récoltant les fruits de décennies de libéralisme décomplexé ; au travers d’adolescents hiérarchisant les individus en fonction de leur importance dans la société. C'est moins subtil que « Parasite » mais très malin, tout à fait passionnant quand il s’agit de traiter des interrogations morales des protagonistes :  un éprouvant suspense jusqu'au retournement final. Que c’est bien écrit et rudement efficace ! Un film comme les coréens en sont devenus maitre. Au-delà la violence froide, le plus glaçant tient par le portrait au vitriol d'une jeunesse absolument sans repère et qui compte juste sur ses parents et sa famille pour rattraper leurs bêtises ; et leurs bêtises est un faible mot en rapport des actes commis par ceux-ci. C’est une fable sociale extrêmement cruelle et qui ne cesse de nous interroger nous les spectateurs sur que ferions-nous, quelle réaction aurions-nous, quelle attitude aurions-nous dans une situation semblable s’agissant de nos enfants. Film immersif mais tellement plus profond et choquant que « Juré N°2 » d’Eastwood. Ce film porte donc un propos terriblement efficace et surtout est dans la veine de ce cinéma asiatique réfléchissant et constatant des changements profonds dans les liens familiaux si récemment traditionnalistes. Décors huppés et mets raffinés n’adoucissent en rien la virulence d’échanges familiaux sans filtre.

Pour les non cinéphiles et très éloignés du cinéma asiatique, il peut être aussi vu comme un thriller bigrement sidérant et sans temps mort. On en ressort déstabilisé, qu’importe si comme cinéphile, on peut trouver qu’il a parfois la main lourde. Presque nihiliste à certains moments, la nature humaine est présentée comme jamais bienveillante.

Absolument un très film de cet été.

Sorti en 2025

Ma note: 16/20