Un grand merci à Jour2Fête ainsi qu’à Arcadès pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Testament » de Denys Arcand.
« Il n’y a pas de neutre dans la langue française : c’est soit masculin soit féminin »
Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de 70 ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post-pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie. Et celle des autres.
« Pour la première fois de ma vie, j’ai réalisé qu’une femme avec qui j’ai fait l’amour allait mourir. J’ai pris un vrai coup de vieux ce jour-là »
S’il n’est sans doute pas le cinéaste canadien le plus connu, Denys Arcand n’en demeure pas moins le plus célèbre représentant du cinéma québécois. Une sorte de figure tutélaire, qui domine le cinéma de la Belle province depuis plus de cinq décennies. Venu du documentaire, il glisse rapidement vers le cinéma de fiction au début des années 70, animé par un même esprit d’observation de la société américaine – et plus généralement occidentale – dont il pointe avec ironie les évolutions, les contradictions et les dérives. Une œuvre grinçante, qui rencontre un succès international à partir des années 80, grâce à des films comme « Le déclin de l’empire américain » (1986, nomination à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère), « Jésus de Montréal » (1989, Prix du jury au Festival de Cannes) ou encore « Les invasions barbares » (2003, Prix du scénario au Festival de Cannes, Oscar du meilleur film en langue étrangère, César du meilleur film et du meilleur réalisateur).
« De temps en temps, faut poser des gestes de bonté. C’est ce qui rend la vie supportable. Pour soi et pour les autres »
Inspiré par un authentique fait divers survenu dans un musée new-yorkais, « Testament », film au titre forcément évocateur, est une chronique amère en forme de bilan qui permet au cinéaste, désormais octogénaire, de se confronter aux évolutions sociologiques récentes de la société américaine (voire occidentale dans son entièreté). La controverse autour d’une fresque ancienne représentant la capitulation amérindienne lui servant de prétexte pour évoquer sous la forme d’une satire les maux d’une société fracturée de toutes parts. A commencer par le wokisme et ce qu’il contient de crispations identitaires, de dogmatisme outrancier et de rapport conflictuel au récit historique. Il y a d’ailleurs là quelque chose de savoureusement truculent dans les revendications jusqu’au-boutistes des jeunes manifestants qui poussent le bouchon jusqu’à la bêtise la plus totale, sans nuance ni hauteur de vue. Leur but étant une réécriture aseptisée de l’histoire, qui en gommerait toutes les aspérités. Si on devine le dépit du réalisateur face à la bassesse de certains débats actuels, celui-ci en profite pour évoquer en sous-texte d’autres lignes de faille qui minent nos sociétés : faiblesse des institutions, absence de courage (et compromission) des décideurs politiques, peur des polémiques (et des réseaux sociaux), mais aussi conflit générationnel et isolement des ainés. Tout cela aboutissant à une cacophonie générale et à la difficulté de dialoguer sereinement et de concilier les positions entre des franges de la population aux positions toujours plus radicales. Au final, comme en atteste sont « Testament », Denys Arcand n’a rien perdu de son mordant ni de son talent de satiriste ; cette chronique irrévérencieuse et délicieusement provocatrice vient clore avec une pointe d’amertume et de désillusion une longue filmographie dédiée à l’observation d’un monde en perte de repères, où le « vivre ensemble » n’a jamais semblé aussi complexe et incertain.
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Le blu-ray : le film est présenté en version originale française québécoise (2.0 et 5.1). Des sous-titres pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec Denys Arcand par N. T. Binh, critique de cinéma à Positif (21 min.).
Édité par Jour2Fête, « Testament » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 2 avril 2024.
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