[Cannes 2025] Jour 8 : Bourreaux et héros du quotidien

Par Boustoune

Hier, nous vantions la qualité de la section Cannes Première. Et on ne peut s’empêcher de se demander, au vu de leurs qualités, pourquoi ces films ne figurent pas dans la liste des oeuvres en compétition officielle, la plus prestigieuse des programmations cannoises. Par exemple, pourquoi avoir choisi Alpha plutôt que The Love That Remains ou Fuori plutôt que La Disparition de Josef Mengele.

Nous n’avons rien contre le film de Mario Martone. Fuori est plutôt agréable à regarder, élégamment mis en scène, mais on se demande ce qui a pu pousser les sélectionneurs à le placer en compétition officielle plutôt qu’en séance spéciale. Peut-être est-ce pour placer dans la course au prix de la meilleure interprétation féminine sa troupe d’actrices (Valeria Golino, Matilda De Angelis, Elodie), qui irradient de grâce et de sensibilité. Ou est-ce en raison de la ténacité de Mario Martone à promouvoir sans relâche la littérature transalpine ? Tous ses films adaptent une pièce, un roman ou rendent hommage à un genre littéraire, un auteur majeur. Fuori n’échappe pas à la règle puisqu’il est centré autour de Goliarda Sapienza, considérée comme l’une des plus importantes autrices italiennes du XXème siècle. Ce n’est pas un biopic à proprement parler, plutôt une tranche de vie, qui aborde le moment précis où son destin d’écrivain a basculé, juste après sa sortie de prison pour un vol de bijoux et ses retrouvailles avec ses anciennes camarades de détention. C’est grâce à l’une d’entre elles que Goliarda va trouver le matériau de ses futurs écrits – dont “L’Université de Rebibbia” – et redonner un sens à son existence.
Le hic, c’est qu’il ne se passe quasiment rien dans ce film, hormis l’esquisse d’une belle histoire d’amitié et des scènes de la vie dans la prison pour femmes où les protagonistes sympathisent. Le contexte politique est très vite écarté, les questions féministes aussi. La littérature est très peu mise en avant, sauf dans les cinq dernières minutes. La durée du film est trop longue pour un scénario aussi mince, d’autant que Mario Martone propose trop peu de choses côté mise en scène pour booster ce récit sympathique, mais assez vain, qui n’a clairement pas le niveau attendu de la compétition cannoise (de notre point de vue, en tout cas).

A Cannes Première, il y avait un film d’une autre ampleur technique, réalisé par un auteur d’ailleurs habitué de la compétition officielle, Kirill Serebrennikov, mais sur un sujet beaucoup plus malaisant, tiré d’un livre d’Olivier Guez : La Disparition de Josef Mengele.  Comme son titre l’indique, le récit s’intéresse à la fuite en Amérique du Sud du docteur Josef Mengele, ancien médecin-chef du camp d’Auschwitz, puis à sa vie en cavale, échappant sans cesse aux autorités et au Mossad.
Même si le film entrelace des flashbacks situés à différentes époques, il est globalement construit en trois segments, qui montrent graduellement à quel point ce type était abject et illustrait parfaitement l’idéologie nazie.
Le premier segment est une réunion d’anciens dignitaires nazis qui échangent autour du “bon vieux temps”, mais aussi de la nécessité de fuir pour éviter de devoir répondre aux accusations portées contre eux par les Juifs et les survivants des camps. Ils semblent dans le déni, persuadés d’avoir oeuvré pour la bonne cause, de n’avoir fait que leur devoir, d’avoir juste obéi aux ordres. Ils sont aussi convaincus que le peuple allemand les soutient toujours et qu’ils pourront continuer à défendre leur idéologie après la défaite. L’un des officiers minimise les accusations de génocide : “Ils parlent de millions de morts, mais nous avons à peine supprimé 65 000 Juifs”. Un autre loue les qualités du Führer, décrit comme “un visionnaire”.
Ils en viendraient presque à nous convaincre qu’ils n’ont rien commis de répréhensible, et que toutes les accusations de crimes de guerre seraient vite balayées, sans cette haine à l’encontre du Reich… Mais ceux qui se voient comme une élite politique ne trompent personne. Leur façon d’être, leur morgue, leurs propos très durs, montrent à quel point ce régime était autoritaire et vecteur de haine.
Le second fragment montre les retrouvailles de Mengele avec son fils. Ce dernier, secoué par les nouvelles accusations concernant son père, attend de lui qu’il lui révèle la vérité sur ses activités à Auschwitz. Initialement, en tant que médecin du camp de concentration, Mengele était surtout accusé d’avoir trié les prisonniers, désignant ceux qui étaient aptes à travailler et les autres, condamnant de facto les seconds à une mort certaine, indirectement. Mais il a ensuite été accusé d’être l’un des principaux artisans de la machine d’extermination nazie. Il était non seulement conscient de la politique d’épuration ethnique à l’oeuvre, mais en était aussi partie prenante. Et il a également été accusé de se livrer à des expériences personnelles sur des prisonniers, incluant des handicapés et des enfants, à qui il faisait subir les pires sévices. Là encore, il nie farouchement les faits, tout en louant le projet eugéniste des nazis. Mais la mise en scène de Serebrennikov intervient pour rétablir la vérité, usant d’une rupture de ton et d’approche pour décrire Auschwitz dans toute son abomination. Tout le film est tourné en noir & blanc, pour accompagner cette plongée dans la noirceur d’une âme terrifiante. Le passage tourné à Auschwitz est le seul en couleurs, car il s’agit de la période la plus heureuse de la vie de ce salaud. On le voit batifoler dans l’herbe avec ses enfants et son épouse, rire, boire et manger, sans se soucier de l’horreur à peine plus loin. Le film intègre aussi quelques vues du laboratoire de Mengele et de ses petites expériences ignobles, le seul moment où l’on voit le type esquisser un sourire.
Et si l’on pouvait encore avoir un doute après ça, la troisième partie montre un Mengele vieillissant et sans filtre, crachant son venin à la figure des fermiers qui l’abritent. Sa haine est encore plus forte qu’avant. Il ressasse les mêmes choses en boucle et sa paranoïa augmente, jusqu’à sa mort, finalement, sur une plage du Brésil.
C’est un film assez âpre, qui nous confronte à une idéologie nauséabonde et un personnage détestable (incarné avec force par August Diehl). Serebrennikov utilise des mouvements de caméra splendides, rares moments de grâce qui aident à supporter cette plongée dans les ténèbres. On ne peut s’empêcher de penser qu’il avait davantage le niveau que Fuori pour prétendre à un prix au palmarès.

Un simple accident, lui, est bien en lice pour la Palme d’Or. Il s’inscrit même, à ce stade du festival, parmi les favoris.
Déjà, l’émotion a été palpable avant la projection. A Cannes, avant le début des projections officielles, il est de coutume de faire entrer les équipes de films sous les applaudissements des spectateurs, ce qui dure généralement une ou deux minutes, selon le capital-sympathie dont bénéficie le réalisateur. Pour Jafar Panahi, cette durée a été bien plus longue que d’habitude, car il s’agissait d’un véritable évènement que de le voir en personne venir défendre son nouveau film. Si plusieurs de ses films ont été montrés au Festival de Cannes par le passé, le cinéaste n’avait jamais pu faire le voyage, soit parce que les autorités iraniennes lui avaient interdit de sortir du territoire, soit parce qu’il était emprisonné, en tant qu’opposant au régime des mollahs. Cette fois-ci, il a pu être présent pour recevoir le soutien des cinéphiles et professionnels du monde entier. Avant même de juger le film, les spectateurs ont salué, avec cette salve d’applaudissements, la résilience de cet homme qui n’a jamais plié face à un régime totalitaire et oppressant, qui a gardé intacte sa liberté de pensée et de parole et a surtout continué à faire des films, même en détention, en usant de stratagèmes ingénieux.
Mais il fallait encore convaincre avec ce nouveau film. Et force est de constater que cela a été le cas. Un simple accident répond à la plupart des critères requis pour une Palme d’Or.
Déjà, il y a la séquence inaugurale, simple en apparence, mais contenant déjà un sous-texte politique fort. Un couple de citoyens modèles roule tranquillement dans la nuit, quand d’un coup la jeunesse s’exprime – une gamine qui surgit sur la banquette arrière, danse et exige qu’on monte le son. Son père lui fait la morale, lui dit que mettre le son trop fort risque de gêner les gens. Son épouse intervient, disant qu’ils sont seuls sur cette route et qu’exceptionnellement, elles peuvent monter un peu le son dans l’habitacle. L’homme, bien que réticent, les laisse faire. Et paf, le chien… Il heurte un chien errant qui a traversé la route à ce moment-là. Cette mort brutale jette un froid dans l’habitacle. Plus question de danser. La jeunesse est sous le choc, mais reprend vite ses esprits, accusant le père de famille d’être seul responsable de la mort du chien. Il y a déjà là une première réflexion magistrale sur la notion de responsabilité et de culpabilité. Qui faut-il blâmer ? Le chien errant ? La société qui autorise la prolifération de ces chiens errants ? Le conducteur ? En filigrane, le cinéaste montre une jeunesse iranienne qui s’immisce dans le débat et se révolte contre les injustices, allusion à peine voilée – si l’on peut s’exprimer ainsi – aux mouvements de révolte contre le régime des mollahs, après l’assassinat de Mahsa Amini.
La voiture reprend sa route, mais ce simple accident a des répercussions sur le véhicule, qui tombe en panne un peu plus loin. Le conducteur, Eghbal (Ebrahim Azizi) rentre dans un atelier de mécanique, où un mécanicien accepte de l’aider à réparer la voiture. Son collègue, Vahid (Vahid Mobasheri), en revanche, semble très troublé en entendant la voix du conducteur et surtout le bruit de ses pas, marqué par un grincement caractéristique lié à une prothèse. Il est persuadé qu’il s’agit de l’homme qui l’a torturé, quelque temps auparavant, dans les geôles du régime. Il décide de le suivre et de le kidnapper pour se venger.
Mais au moment de le tuer, il est assailli par les doutes. Est-il bien certain qu’il s’agit de son bourreau? Après tout, il ne l’a jamais vu, puisqu’il avait les yeux bandés lors de son séjour en prison. Il part donc demander l’avis d’une autre victime, Shiva (Maria Afshari). Elle non plus n’a jamais vu son tortionnaire, mais se rappelle de son odeur. Comme ce n’est pas suffisant pour l’identifier formellement, ils continuent de chercher d’autres victimes. Finalement, la camionnette se remplit de personnes qui ne se connaissent pas vraiment, mais sont unies par les mêmes traumas, les mêmes blessures et une haine commune contre le régime qui les a ainsi brisés. Personne ne peut être sûr qu’Eghbal est bien celui qui les a fait tant souffrir, et c’est là que des divergences se font jour entre les membres du groupe. Certaines victimes sont animées par une soif de vengeance aveugle, d’autres par une volonté de justice. Des questions morales se font jour. Doivent-ils user des mêmes méthodes que leurs bourreaux ? Ne peuvent-ils pas pardonner ? Mais ils n’ont pas le temps d’aller au bout de la réflexion. Le téléphone d’Eghbal sonne. C’est sa fille qui l’appelle, nécessitant d’urgence son aide. Autre conséquence de l’accident, la femme d’Eghbal, enceinte, a perdu les eaux et doit être emmenée à l’hôpital. Vahid décide de l’accompagner, ce qui crée encore des dissensions au sein du groupe de victimes. La structure, simple mais efficace, permet à Jafar Panahi de dépeindre un pays qui vit toujours sous un régime totalitaire, mais essaie d’avancer et de se reconstruire, en s’appuyant sur le peuple. Mais comment surmonter ce passé qui hante la population ? Comment oublier les traumatismes ? Il faudra du temps, beaucoup d’humanité et de bienveillance pour s’opposer à la violence et la terreur.
Au final, Un simple accident est une oeuvre magistrale, qui ne possède pas la puissance des Graines du figuier sauvage, projeté l’an dernier, mais qui a le courage de s’attaquer frontalement au régime iranien. Jafar Panahi a toujours été critique vis-à-vis de la politique menée par le régime, mais il le faisait toujours de façon indirecte, en contournant la censure. Même quand il a commencé à avoir des difficulté à réaliser ses films, il a toujours pris soin de ne pas attaquer frontalement le régime. Là, il ne se prive plus de le faire, en essayant de faire comprendre aux tyrans que le rapport de force est en train de s’inverser. Plus ils oppressent le peuple, plus celui-ci se révolte. Il y aura forcément un moment où le régime tombera…
Panahi risque une nouvelle fois la prison pour cette charge virulente contre le pouvoir, mais il entend continuer à vivre en Iran, y faire des films et se battre contre l’injustice. Une Palme d’Or serait un moyen de l’aider.

Dans les autres sections, il y avait aussi de très belles choses.
Commençons par la section Un Certain Regard où nous avons vu Météors, le nouveau long-métrage d’Hubert Charuel (Petit Paysan). Quel petit bijou que ce film, qui montre les tribulations de deux paumés magnifiques, Mika (Pau Kircher) et Dan (Idir Azougli). Alors que leur vieux copain Tony (Salif Cissé) a fait le choix de rester en Haute Marne, leur région d’origine, et de faire carrière dans le BTP, le duo nourrit le rêve de s’installer sur l’île de La Réunion et s’occuper d’animaux. En tout cas, de fuir cette zone économiquement sinistrée pour aller voir si la misère ne serait pas moins grise au soleil. Mais en attendant de pouvoir se payer le billet, ils restent englués dans leurs vies médiocres, squattant chez un pote et vivotant sur le travail à mi-temps de l’un (équipier dans un fast-food) et les piges au noir de l’autre, quand il est assez en forme pour travailler. Le reste du temps, ils traînent au bowling, éclusent des bières et fument des joints, ce qui les pousse souvent à commettre des bêtises. Dans le domaine, Dan est un champion. Jamais avare en plans foireux, il kidnappe un chat de race et l’embarque dans la voiture de son pote. Il a vu que les Maine coon pouvaient se vendre à très bon prix et essaie illico de trouver un client à qui le refourguer. Le hic, c’est que le greffier est un matou de compétition et son propriétaire l’a doté d’un collier GPS, ce qui lui permet de pourchasser nos Benêt & Clyde du kidnapping félin. En panique, les deux garçons réussissent à retirer le collier, mais laissent échapper le chat aux abords d’une forêt et finissent dans le fossé. La police ne tarde pas à les rattraper. Pour conduite en état d’ivresse et sous emprise de stupéfiants, Mika voit déjà son permis lui être sucré. Et pour l’enlèvement du chat, ils risquent tous deux plusieurs années de prison et de grosses amendes. La juge écoute leurs dérisoires tentatives de défense, et les incite à prendre au sérieux les charges qui pèsent sur eux. Et si ça ne suffisait pas, un médecin les incite aussi à lever le pied sur la consommation d’alcool et de drogues. Après que Dan a fait une crise d’épilepsie, le médecin l’a examiné et diagnostiqué une dépendance forte à l’alcool, potentiellement une cirrhose et un impact sur le système nerveux. S’il continue à ce rythme-là, Dan risque de mourir dans les trois ans. Mais ce grand dadais ne comprend rien. A peine sorti de l’hôpital, il se remet à boire et à se lancer dans des plans foireux. Alors, Mika prend les choses en main. Il entraîne son pote à arrêter de boire et de fumer, puis contacte Tony pour qu’il leur fournisse du travail sur ses chantiers. Ils ont six mois à tenir avant le procès, pour prouver à la juge leur envie de faire amende honorable. Ensuite, s’ils échappent à la prison, ils pourront partir comme prévu à La Réunion.
Tony les engage sur le chantier de construction de zones d’enfouissement des déchets nucléaires et, au début, tout se passe bien, mais très vite, avec la routine, l’ennui et les tentations induites par l’environnement, les choses se compliquent. On passe d’un ton de comédie noire à un ton plus dramatique, dépeignant la triste réalité à laquelle sont confrontés les habitants de ces provinces délaissées. Comment s’élever socialement quand on vous maintient dans la médiocrité ? Comment croire en ses chances quand on vous fait constamment comprendre que vous êtes un minable ? Comment vivre dans un lieu jugé si moche qu’on choisit d’y enterrer des déchets nucléaires rendant la zone contaminée à long terme?
Hubert Charuel a réussi à s’extirper de cette misère en réalisant son rêve de Septième Art, mais il n’a pas oublié sa région, ses racines. Il y revient pour redonner leur dignité à ses habitants, des gens touchants et attachants, qui essaient juste de joindre les deux bouts à la fin du mois. Et il fait passer le message qu’en accordant un peu plus de soin à ces régions sinistrées, en y apportant emploi, occupations et lieux culturels, elles pourraient apporter une dynamique nouvelle au pays.
En tout cas, Météors est l’un de nos coups de coeur de ce Festival de Cannes 2025. Un film drôle, poignant, engagé, porté par des acteurs épatants, Idir Azougli en tête, et qui propose aussi de très beaux et très forts moments de cinéma. Aurait-il eu sa place en compétition ? Assurément plus que Fuori

En séance spéciale, Romane Bohringer a proposé une oeuvre singulière, Dites-lui que je l’aime.
La genèse du projet est donnée dès le début du film. Romane Bohringer a regardé une émission de télévision où Clémentine Autain présentait un livre consacré à sa mère, l’actrice Dominique Laffin. Les chroniqueurs y interrogeaient l’auteure, visiblement très émue, sur les raisons qui l’ont poussé à écrire l’ouvrage, pressentant chez elle un besoin absolu de raconter son histoire et de libérer ses sentiments. Clémentine Autain a perdu sa mère en 1985. Elle avait alors douze ans; Dominique Laffin, trente-trois. Mais la fillette avait déjà tiré un trait depuis longtemps sur cette mère constamment absente, qui privilégiait sa carrière de comédienne à sa vie de famille, et a fini par se perdre dans ses choix de vie. Romane Bohringer, qui a elle aussi grandi avec l’absence d’une mère, a forcément été touchée par cette histoire assez proche de la sienne, au point de vouloir adapter le livre. Mais comment adapter quelque chose d’aussi intime, d’aussi personnel ? Elle tente de faire un casting pour incarner Clémentine Autain, en testant Céline Salette, Julie Depardieu et Elsa Zylberstein dans le rôle, avant de décider que pour “jouer” ce personnage, elle ne trouverait pas mieux que Clémentine Autain. Alors c’est plus une lecture qui se met en place, avec des images d’archives fabriquées. Mais là encore, bien que bouleversantes, ces scènes ne satisfont pas vraiment la cinéaste. En fait, si elle tient à ce point à raconter cette histoire, c’est qu’elle a envie d’évoquer, à travers elle, sa relation à sa propre mère, Marguerite Bourry. Elle a abandonné sa fille à son compagnon, Richard Bohringer, alors que Romane n’avait que neuf mois, et est décédée elle aussi assez jeune, à trente-six ans, après quelques années d’errance.
le film prend alors une forme multiple, entre le texte de Clémentine Autain, les vraies et fausses images d’archive, et une partie documentaire où la réalisatrice enquête sur son passé et celui de sa mère. Elle invite même son père à lui raconter l’histoire de Maggy, chose qu’elle n’avait jamais osé faire auparavant, et met en scène l’un de ses fils, très drôle en détective holmésien, pour montrer qu’elle a enfin vaincu la malédiction d’abandon familial. Elle a réussi à mener sa carrière sans délaisser l’éducation de ses enfants. La relève est presque prête. Romane peut enfin se libérer du poids du passé, et s’adonner un peu plus à ses rêves de cinéma. A en juger cette construction atypique et audacieuse, et le brio technique de certains plans, elle a assurément beaucoup de talent. Le résultat déroute un peu, puis s’avère finalement fascinant, émouvant et enthousiasmant.
Là aussi, le film aurait pu prétendre à une exposition plus forte qu’une séance spéciale.

A moins qu’on ne décide, sur un coup de tête, de kidnapper un chat ou le futur lauréat de la Palme Dog, à demain pour la suite de ces chroniques cannoises.