Hafsia Herzi était en compétition avec La Petite dernière, qui est déjà son troisième film en tant que cinéaste. Kristen Stewart et Joséphine Japy ont montré leurs premiers films, qui ont été bien accueillis. Plus tard, les festivaliers pourront découvrir Eleanor The Great, première réalisation de Scarlett Johansson et Dites-lui que je l’aime la seconde de Romane Bohringer. Mais aujourd’hui, c’est Harris Dickinson qui est venu présenter son premier film sur la scène du Théâtre Debussy, dans le cadre de la section Un Certain Regard.
Urchin s’intéresse à un jeune marginal, sans domicile fixe, alcoolique et toxicomane, bien loin du mannequin que Dickinson incarnait dans Sans filtre ou du cadre BCBG de Babygirl. Mike, incarné par Frank Dillane, a une bouille sympathique. Il est assez sociable en apparence, et sait généralement se remuer pour obtenir ce qu’il veut. Mais il est sans emploi, sans domicile fixe, et sans réelle perspective d’évolution.
Alors il commet un vol, qui l’envoie quelque temps en prison. A sa sortie, débarrassé de ses addictions, il veut vraiment pouvoir démarrer une nouvelle vie. Une assistante sociale lui trouve une place dans un foyer. Ce n’est pas le grand luxe, mais il a sa propre chambre, un vrai lit pour dormir et une douche pour se laver de son passé encombrant. Un restaurateur, bien que conscient de son casier judiciaire, accepte de lui offrir sa chance en tant que commis, ce qui lui permet, pour la première fois depuis des lustres, de gagner un salaire, de quoi acheter de nouveaux vêtements, s’offrir quelques distractions. Il sympathise même avec deux de ses collègues, avec qui on se met à imaginer une relation sentimentale.
Mais Mike est similaire à un oursin. Fascinant à observer, mais couvert de piquants acérés, ce qui ne facilite pas les contacts prolongés. Et comme cet échinoïde, il n’évolue pas vite, ne progresse pas. Il prend tout son temps pour effectuer ses tâches, et n’est pas assez concentré pour les effectuer correctement. Ses efforts pour s’en sortir se heurtent à sa paresse, son manque d’implication et, surtout, son incapacité à saisir les mains tendues.
L’histoire n’est pas des plus originales, mais Dickinson choisit d’axer la problématique sur le mental défaillant du personnage. Mike essaie de s’en sortir seul, grâce à des podcasts de développement personnel et de méditation. Il est assidu, et ses séances lui permettent de descendre en profondeur au fond de son cerveau, au fond de son âme. La caméra accompagne le mouvement de l’eau qui s’écoule de la douche pour filer dans les canalisations et aller loin, loin, vers une sorte de grotte gigantesque, où le personnage trouve une forme de paix… et de profonde solitude. Car il est aussi seul avec lui-même qu’en compagnie des autres, trop écorché vif pour cela, trop égoïste aussi. La mise en scène réussit parfaitement à montrer ce vide à l’intérieur de Mike, que ses vieux démons ne tardent jamais à combler. Harris Dickinson, en tout cas, réussit son passage derrière la caméra. Sa sélection dans cette programmation cannoise qui fait la part belle à un cinéma atypique est justifiée, ne serait-ce que pour sa façon de filmer Londres sous un angle très différent des cartes postales pour touristes habituelles, filmant des lieux insolites et des personnes généralement reléguées dans la marge, loin de la famille royale.
Autre cinéaste atypique, le Brésilien Kleber Mendonça Filho retrouvait aujourd’hui la compétition cannoise, six ans après le décevant Bacurau. Il fait beaucoup mieux avec L’Agent secret, un récit brillamment construit qui nous plonge dans le Recife de la fin des années 1970, alors qu’une dictature était encore en vigueur.
Dès le début, on découvre une ambiance singulière. Si, en apparence, la vie se déroule normalement dans cette région du nord-est du Brésil, où les habitants ne manqueraient pour rien au monde le carnaval, des éléments nous indiquent clairement que les individus ne sont pas libres et doivent évoluer constamment sous la menace des autorités.
En route pour Recife, Marcelo (Wagner Moura) s’arrête faire le plein à une station service. Le pompiste est heureux de voir un client s’arrêter, car depuis plusieurs heures, un cadavre déposé devant la boutique fait fuir les clients. L’homme a bien appelé les autorités, mais celles-ci tardent à se déplacer pour effectuer les constatations de routine. Et quand débarque finalement une voiture de police, ses occupants se préoccupent du défunt comme d’une guigne. Ils préfèrent contrôler le véhicule de Marcelo. Celui-ci restant imperturbable, ils finissent par lui subtiliser son paquet de cigarettes non sans avoir essayé de grapiller un pot-de-vin, pardon “une donation” au passage. Bienvenue à Recife !
Pour le moment, on reste dans une manifestation assez “gentille” de l’oppression policière. Mais la séquence suivante nous montre que les autorités sont capables de bien pire. Euclides, le chef du commissariat local, est appelé à la morgue suite à une découverte macabre dans la gueule d’un requin, pêché le matin même : une jambe humaine, tatouée. Euclides et sa bande connaissent bien son propriétaire, puisque ce sont eux qui l’ont assassiné et jeté à la mer pour faire disparaître le cadavre. Ils ne peuvent évidemment pas l’admettre ouvertement, cela ferait mauvais genre. Donc ils vont devoir trouver un moyen de rattraper la boulette.
En tout cas, cela dresse tout de suite le cadre : des policiers agissant dans l’ombre pour se débarrasser des ennemis du régime, des cadavres dans les rues ou dans l’océan, des requins aux dents acérés… Chouette endroit!
On comprend que Marcello fait partie des personnes dans le collimateur des autorités et doit donc faire profil bas pour se déplacer en ville. Cet ingénieur brillant avait refusé de se mettre au service des riches entrepreneurs en cheville avec la dictature, ce qui lui a valu la fin du financement de ses recherches et quelques inimitiés. Il est venu à Recife récupérer son fils et organiser leur fuite. En attendant, il est logé dans un foyer pour “réfugiés”, à l’abri des regards, et tente de retrouver des traces de l’identité de sa mère au service des archives.
L’intrigue est construite en trois parties où cohabitent thriller politique, drame intimiste et chronique historique et quelques références amusantes à des genres cinématographiques spécifiques. La première permet de découvrir le contexte – un carnaval et des cadavres qui s’accumulent par dizaines- et de conter les histoires de différentes personnes cherchant à se cacher du régime. Elle est rythmée par les cauchemars récurrents du fils de Marcelo, traumatisé par les requins. Marcello, lui, est plus intrigué par ce chat “siamois” ayant deux têtes fusionnées, présage de l’irruption d’agents doubles ou de traîtres.
Ils sont bien dans la seconde partie, pur thriller dans lequel Marcelo essaie de semer les tueurs à ses trousses. La troisième, plus contemporaine, raconte la fin de cette histoire en adoptant un angle différent.
Ce film permet à Kleber Mendonça Filho de montrer toute sa palette technique : plans fixes lancinants, plans-séquences virtuoses, moments d’humour et de poésie pour alléger la tonalité d’ensemble – la jambe coupée réapparaît même dans une séquence assez irrésistible.
Certains préféreront peut-être, sur le même thème, Je suis toujours là de Walter Salles, qui traitait aussi des disparitions d’opposants au régime, durant la période de dictature. Mais ce dernier abordait le sujet de façon très sérieuse, en racontant une histoire vraie. Kleber Mendonça Filho, un peu plus jeune que Salles, était un enfant dans les années 1970, probablement du même âge que le fils de Marcelo. C’est à cette époque qu’il a construit sa cinéphilie autour de blockbusters américains et qu’il l’a fait évoluer, en appréhendant peu à peu le monde des adultes. Il a donc fait le choix d’aborder le sujet sous différentes formes, associant un cinéma de genre à l’ancienne, qui l’a fasciné enfant, et un cinéma plus subtil, plus engagé, dans l’esprit de ses premiers films. C’est assurément un film d’auteur à part entière, portant la patte singulière du réalisateur.
Bien évidemment, puisqu’on parle de cinéaste singulier, difficile de ne pas parler de Wes Anderson. Lui aussi possède un style inimitable, reconnaissable d’un film à l’autre. The Phoenician scheme, sa nouvelle réalisation, en lice elle aussi pour la Palme d’Or, ne déroge pas à cette règle. Il s’agit, une fois de plus, d’un récit d’aventures loufoque. Le personnage principal, Zsa-Zsa Korda (Benicio Del Toro) est un homme d’affaires redoutable, dans tous les sens du terme. Il est connu aussi bien pour ses nombreux mariages (comme l’actrice d’origine hongroise Zsa-Zsa Gabor) et son goût de l’aventure (comme celle des films de Zoltan Korda), que pour son habileté à négocier des deals (on l’appelle “Mr. 5%” en raison du pourcentage de bénéfices qu’il réalise sur chaque montage financier). Forcément, cela attise les convoitises et induit des tentatives d’assassinat. Mais après de multiples traquenards et cinq crashs aériens, l’homme commence à s’interroger sur les raisons pour lesquelles il n’est pas encore passé de l’autre côté. A-t-il plusieurs vies comme les chats ? Dans ce cas, combien lui en reste-t-il ? Est-ce Dieu qui ne sait pas où le placer, car personne ne le reconnaît, là-haut ? Il faut dire que, sur terre, son existence est sujette à caution. Il est apatride, ne possède pas de passeport puisqu’il se joue des frontières comme des règles, est inconnu des autorités – C’est pratique pour éviter de payer des impôts. Ses parents ne se sont jamais occupés de lui et Zsa-Zsa délaisse ses propres enfants, issus de ses mariages ou adoptés. Il avait même prévu de les déshériter totalement. Mais, vu la situation, il préfère préparer sa sortie et nommer Liesl (Mia Threapleton), sa fille aînée, comme seule légataire de son empire. Il lui impose deux conditions : elle doit renoncer à prononcer ses voeux (Liesl s’apprête à devenir Bonne Soeur) et finaliser l’opération financière la plus importante de sa vie, “The Phoenician scheme”, une combine montée dans les pays du Moyen-Orient et dont tout le plan est contenu dans des boîtes à chaussures. En échange, Liesl pourra faire tout ce qu’elle veut avec les bénéfices réalisés, y compris financer de bonnes oeuvres et Zsa-Zsa l’aidera à retrouver l’assassin de sa mère.
Cependant, le gouvernement américain, inquiet du pouvoir de Korda, sabote son plan infaillible en provoquant une fluctuation du marché des boulons. Le milliardaire, sa fille et son tuteur Bjorn (Michael Cerra) partent rencontrer les différents partenaires pour qu’ils comblent “The Gap”, c’est-à-dire la somme manquante nécessaire à la réussite de l’opération. Evidemment, personne n’a vraiment envie de devoir payer plus sans contrepartie, d’autant que Korda a aussi pris des libertés avec les contrats. Il va donc falloir convaincre tous les partenaires en évitant les pièges, les instabilités politiques et religieuses, et les tentatives d’assassinat…
Esthétiquement, c’est une splendeur. Dès le générique, une prise en plongée d’une salle de bain somptueuse dans laquelle Korda se remet de son sixième crash aérien, Anderson s’amuse avec les formes géométriques et on sait qu’on va avoir droit à une succession de plans sublimes, composés comme des tableaux. Il s’inspire de toiles de maîtres, de bandes dessinées, de vieux films d’aventures tournés en studio, pour mettre en images ce nouveau scénario.
Sur le fond, c’est aussi une oeuvre gigogne, pouvant se lire sur plusieurs niveaux. Certains se contenteront de la version au premier degré, le film d’aventures surréaliste, ce qui est déjà fort plaisant. D’autres apprécieront davantage la critique du monde capitaliste, monde de prédateurs sans foi ni loi, où tout le monde se trahit à la première occasion, se rabiboche en s’offrant des grenades (les armes, pas les fruits) ou des dagues, pour mieux s’affronter ensuite. Zsa-Zsa en est le plus parfait emblème. Il a fait fortune mais en veut toujours plus. Et au final, que possède-t-il vraiment ? L’argent ? Ses actions sont volatiles et peuvent perdre toute valeur en un battement d’ailes. L’immobilier ? Il n’est pas propriétaire de son château. Les bijoux ? Juste des objets d’apparat, guère plus. Il n’a pas d’amis, mais des “partenaires” que l’on sait peu fiables. Ses enfants le détestent et même Liesl le condamne moralement pour ses actes répréhensibles, son absence de morale et d’affect.
On devine, bien sûr, que le voyage n’est qu’un prétexte pour rapprocher le père et la fille, et lui faire comprendre que l’argent ne fait pas le bonheur, à l’inverse de la famille que l’on se construit.
Le dernier niveau de lecture est religieux. Dans ce film où toutes les religions coexistent, et où même les athées ont la parole, il est question de morale, de jugement des âmes, et d’épisodes bibliques spécifiques, comme l’histoire de Job ou le mythe de Caïn et Abel, frères ennemis ici représentés par Zsa-Zsa et Nubar (Benedict Cumberbatch). On y croise même Dieu (sous les traits de Bill Murray).
Est-ce que cela sera suffisant pour que Wes Anderson remporte enfin une Palme d’Or ? A voir. En tout cas, il peut garder la foi, car voilà encore un film qui sort du lot, en compétition, même s’il n’y a plus trop de surprise devant ces longs-métrages qui sont pourtant des bijoux de maîtrise technique et narrative.
La surprise était du côté de Cannes Première, avec la projection de Ástin Sem Eftir Er – The love that remains, pour ceux qui ne parlent pas l’islandais couramment – le nouveau film de Hlynur Pálmason.
Le cinéaste nordique était surtout connu pour Godland, histoire d’un prêtre Danois essayant de construire une église dans un village islandais à la fin du XIXème siècle. Austère mais sublime.
Ici, il change d’époque, mais pas de cadre en filmant la fin d’une histoire d’amour et de couple, sans crises, sans cris, sans larmes. Juste avec beaucoup de poésie et la force évocatrice des images. Rien n’est clairement explicité, mais on comprend que Magnus (Sverrir Gudnason) est marin-pêcheur, ce qui signifie qu’il part en mer pendant de longues périodes et qu’il est peu présent pour son épouse et leurs trois enfants. Sans doute est-ce là l’une des raisons de leur séparation. Entre la relation à distance et l’odeur du poisson, pas terrible pour l’intimité du couple. Mais “Maggi” n’a pas vraiment eu le choix. Dans cette zone d’Islande, c’est soit la pêche, soit l’élevage de moutons. Et il fallait bien que quelqu’un ramène un peu d’argent à la maison. Anna (Saga Garðarsdóttir) est artiste. Elle fait rouiller naturellement des morceaux de métal à l’air libre, sur des toiles blanches. Jusqu’à présent, le succès n’est pas là. Les galeristes viennent uniquement pour profiter du paysage et de l’hospitalité d’Anna, mais ne passent aucune commande.
Au début, la famille passe quelques agréables moments ensemble, lors de déjeuners avec les parents de la jeune femme. On voit bien qu’il y a encore de la complicité entre Maggi et Anna. Apparemment encore un peu de désir, par moments, quand ils se sentent seuls et ont bu plus que de raison. Et probablement encore un peu d’amour, même si les vents marins, le sel et le froid ont asséché les sentiments.
Mais on devine aussi une amertume sous-jacente. Magnus aimerait reconquérir Anna mais ne sait comment faire. Son ex-compagne met de plus en plus de distance entre eux, afin de couper définitivement les ponts et d’avoir la liberté de retomber amoureuse d’un autre homme. Cette situation les frustre tous les deux. Parfois, Maggi prétexte une météo trop mauvaise pour rentrer dormir dans sa cabine, sur le chalutier, et prolonge le plaisir en squattant le canapé pour la nuit. Anna a repéré son petit manège et finit par s’en agacer.
Au gré des saisons, on constate davantage de tension entre les deux. Des désaccords sur l’éducation des enfants, des reproches sur des points de détail. Leur amour fond comme neige au soleil. Il est symbolisé par un mannequin qu’Anna a accroché à un poteau, face à la mer et aux montagnes. Au début, il est juste légèrement ballotté par le vent, observant le crépuscule. Puis le pauvre pantin se retrouve secoué dans la tempête, trempé, gelé. A un moment, il est agrémenté d’un costume de chevalier, paré pour partir au combat avec une épée mystérieusement tombée du ciel, comme s’il devait partir en croisade pour rabibocher Magnus et Anna. Hélas, ainsi entravé, attaché à ce mât, il sert juste de cible aux enfants, qui tirent les flèches comme ils émettent un avis sur la relation de leurs parents. A un certain point, le mannequin finira par rendre les armes, vaincu. Et si son fantôme flottera encore quelques temps autour du couple, il leur accordera la paix, le droit de recommencer, différemment. Sublime, comme les nombreux symboles qui émaillent le film. Assurément, Hlynur Pálmason est doué pour évoquer des choses de manière indirecte, subtilement, avec poésie et inventivité.
Nous aussi, on veut jouer. Par exemple en trouvant des allégories animalières, particulièrement adaptées à cette journée.
Pour dresser le bilan de cette belle journée, disons que nous avons découvert des jeunes loups de la mise en scène, au talent prometteur, prêts à rejoindre la meute, et vu revenir avec bonheur de vieux renards, suffisamment malins pour embarquer les spectateurs dans leurs récits en jouant encore et toujours sur la magie du cinéma.
Les requins, réels et métaphoriques, ont nagé sur les écrans. Du côté de l’Australie pour la Quinzaine des Cinéastes, avec Dangerous animals de Sean Byrne, dans lequel un tueur psychopathe aime à confronter ses victimes à des sélachimorphes géants (Vous aurez appris un mot aujourd’hui…). Des requins amateurs de gambettes du côté de Recife, en compétition, et des requins de la finance chez Wes Anderson en Phénicie (Phénicie, aussi, comme le chantait Fernandel…). Côté grands blancs, c’est plus tranquille en mer du Nord ou en mer du Groenland. En revanche, en Islande, il y a des volatiles hargneux et revanchards : Une oie qui invoque le karma. Un coq king size.
On aura aussi vu un oursin fatigué, un chat a deux têtes et une chienne nommée Panda, qui s’inscrit d’office parmi les favorites pour la Palme Dog.
Toute une ménagerie de rêve pour une nuit de sommeil réparateur, avant une nouvelle journée rythmée au son du “Carnaval des animaux” Camille Saint-Saëns, la musique accompagnant chaque séance de la sélection officielle.
Si on ne se fait pas croquer la jambe par un Grand Blanc en nageant dans le Grand Bleu, ou avoir la joie sauvage de se faire picorer la tête, alouette, par un coq enragé, à demain pour la suite de ces chroniques cannoises.