Reservoir Dogs (1992) de Quentin Tarantino

Premier long métrage officiel de Quentin Tarantino, qu'il a pu s'approprier en vendant d'abord une partie du scénario. En effet, à la base il s'agit d'un scénario co-signé avec Roger Avary mais si dense qu'il a fallu le scinder en plusieurs parties vendus ensuite pour ce qui va devenir successivement "True Romance" (1993) de Tony Scott et "Tueurs Nés" (1993) de Oliver Stone et, plus tard un certain "Pulp Fiction" (1994). Tarantino est alors encore méconnu mais peut se lancer grâce à la vente de son premier scénario réunissant ainsi 50000 dollars, puis avec l'aide de son ami Lawrence Bender. Ce dernier va pouvoir transmettre le scénario via sa professeur d'art dramatique à l'acteur Harvey Keitel qui est emballé et offre de jouer mais également d'en devenir co-producteur. L'arrivée de la star sur le projet permet d'obtenir un financement jusqu'à 1,5 millions de dollars. L'idée de Tarantino est d'offrir sa version très personnelle de "L'Ultime Razzia" (1955) de Stanley Kubrick, mais en s'inspirant aussi à de nombreux autres films qui fera sa marque de fabrique. Le titre du film a une origine qui reste floue, Tarantino lui-même s'en amuse, on parle d'une mauvaise prononciation du titre "Au Revoir les Enfants" (1987) de Louis Malle du temps où le cinéaste travaillait dans un vidéo-club, mais il affirmera plus tard qu'il a juste imaginé un mort d'argot : "ça sonne comme dans un film d'Alain Delon de Jean-Pierre Melville... Je pouvais voir Alain Delon en costume noir dire : "Je suis M. Blonde." Le film sort dans un nombre de salle limité mais le bouche à oreille est excellent, avec un bon accueil critique qui fait que le film double son budget rien que sur le marché américain pour au final engranger plus de 22 millions de dollars au box-office Monde ce qui en fait un succès pour une petite production indépendante. En prime il reçoit de multiples prix à travers les festivals internationaux mais c'est la postérité qui couronnera la film, devenant un grand film culte, le premier personnel du réalisateur-scénariste. Le film sera interdit aux Etats-Unis au moins de 17 ans non accompagnés, et interdit en France au moins de 16 ans... 

Joe Cabot, un caïd respecté réunis un groupe de malfrats qui ne se connaissent pas entre eux, et à qui il impose de taire leur vraie identité et à qui il donne un pseudo simple du nom des couleurs. Le but étant de braquer une bijouterie. Après les présentations chacun sait ce qu'il a à faire mais l'opération échoue, la police était au courant, le bain de sang se poursuit jusqu'à savoir qui est la taupe... Le caïd est incarné par le non moins expérimenté Lawrence Tierney connu pour son rôle dans "Dillinger, l'Ennemi Public n°1" (1945) de Max Nosseck, vu ensuite dans "Né pout Tuer" (1947) de Robert Wise ou "Sous le plus Grand Chapiteau du Monde" (1952) de Cecil B. De Mille, et retrouvera encore dans "Armageddon" (1998) de Michael Bay son partenaire Steve Buscemi (M. Pink) qui devient alors l'acteur fétiche des frères Coen avec "Miller's Crossing" (1990) et "Barton Fink" (1991), et retrouvera dans "Pulp Fiction" (1994) son réalisateur et partenaire Quentin Tarantino (M. Brown) qui fera régulièrement l'acteur, souvent en caméo même vocal et souvent dans ses propres films mais on peut citer surtout "Une Nuit en Enfer" (1996) et "Planète Terreur" (2007) tous deux de son ami Robert Rodriguez, ils retrouveront aussi Harvey Keitel (M. White) qui sera aussi dans "Pulp Fiction" (1994) et "Une Nuit en Enfer" (1996) alors en pleine renaissance avec "Bad Lieutenant" (1992) de Abel Ferrara et "La Leçon de Piano" (1993) de Jane Campion, la star retrouve également après "Thelma et Louise" (1991) de Ridley Scott l'acteur Michael Madsen (M. Blonde) qui retrouvera Tarantino pour "Kill Bill" (2003-2004), puis aussi dans "Les Huits Salopards" (2015) et "Once Upon a Time... in Hollywood" (2019 - dans sa version longue !) à l'instar de Tim Roth (M. Orange) qui sera aussi dans "Pulp Fiction" (1994), et il retrouvera dans "Bread and Roses" (2000) de Ken Loach l'acteur Chris Penn (frère de Sean Penn, ici fils du caïd Joe Cabot) vu auparavant dans "Rusty James" (1983) de Francis Ford Coppola, "Pale Rider" (1985) de et avec Clint Eastwood et "Comme un Chien Enragé" (1986) de James Foley, puis n'oublions pas l'ex-truand Edward Bunker devenu écrivain-acteur qui fut scénariste de "Runaway Train" (1985) de Andrei Konchalovsky, sera conseiller sur "Heat" (1995) de Michael Mann, et surtout producteur-acteur de l'adaptation de son propre roman "Animal Factory" (2000) de Steve Buscemi. Puis hors du groupe des "colors men", citons Kirk Baltz (Marvin Nash) aperçu dans "Danse avec les Loups" (1990) de et avec Kevin Costner et retrouvera une partie de l'équipe dans "Tueurs Nés" (1994), David Steen qui retrouvera plusieurs partenaires dans "Django Unchained" (2012) et "Once Upon a Time... in Hollywood" (2019) dont Lawrence Bender (caméo d'un flic qui court) qui va devenir producteur de Tarantino jusqu'à "Inglourious Basterds" (2009), Steven Wright (la voix du DJ) qui sera dans "Tueurs Nés" (1994) et retrouvera encore Steve Buscemi dans "Coffee and Cigarettes" (2003) de Jim Jarmush...

Le film débute par un déjeuner où les truands font connaissance, on y retrouve la grande scène bavarde qui sera une marque de fabrique de Tarantino, des palabres à n'en plus finir qui paraissent anodines ou superflues mais qui en fait en disent toujours long sur les personnages. Ainsi en quelques minutes Tarantino nous présente ses personnages sans le dire tandis qu'on remarque les premiers clins d'oeil cinéphiles de l'ancien vendeur de vidéo-club. Par exemple l'idée des couleurs est tiré du film "Les Pirates du Métro" (1974) de Joseph Sargent, les costumes noirs sont inspirés de "Le Syndicat du Crime 2" (1987) de John Woo lui-même s'étant inspiré des films de Jean-Pierre Melville qui est une des références citées par Tarantino comme entre autre "Quatrième Homme" (1952) de Phil Karlson ou "Association Criminelle" (1955) de Joseph K. Lewis et surtout "City on Fire" (1987) de Ringo Lam. Mais le plus savoureux est que dès le départ Tarantino créer une famille de cinéma, acteur + personnage, et en 1992 on le comprendra plus tard comme quand les "colors men" parlent d'une Alabama ("True Romance"), où que l'agent de probation nommé Scagnetti renvoie au flic véreux de "Tueurs Nés", ou que le policier torturé nommé Nash renvoie à une des victimes des "Tueurs Nés"... 

Le plus frappant sans doute est ce comportement verbal raciste de toute la bande qui a dû faire bouillir un certain Spike Lee, et ce qui a créer quelques polémiques mais à y regarder de plus près le film s'avère moins brutal qu'il y paraît. D'abord parce que le langage est similaire aux films référents avec des personnages-acteurs afro-américains, ce qui choque est donc le fait qu'ils soient blancs. Pourtant ces blancs adoptent un comportement identiques dans leur argot et/ou leur violence, et on remarque que leurs sujets de discussion rejoint les valeurs "black" comme quand ils citent Pam Grier (future "Jackie Brown" pour Tarantino d'ailleurs !) et le cinéma de la Blaxploitation. L'autre point qui est passionnant est que Tarantino s'amuse à mettre mal à l'aise le spectateur en mettant en parallèle deux tortures, celle plus ou moins consentie ou assumée de M. Orange/Roth qui se meurt dans un bain de sang et qui est assisté par M. White/Keitel qui ne peut pourtant pas l'aider vraiment, puis celle plus frontale du policier Nash/Baltz qui ne peut pas réagir ou résister réellement face à son tortionnaire M. Blonde/Madsen ; ce policier assis dans son siège impuissant renvoie directement au spectateur, assis et forcément voyeur impuissant. Tarantino pause ses marques et son style, pas de linéarité, jouant avec la chronologie pour offrir un puzzle qui prend forme sans jamais prendre le spectateur pour plus stupide qu'il n'est, il n'y a donc pas d'explication mâchée. Bon point. Au vu de son budget "Reservoir Dogs" est un succès l'année de sa sortie mais deviendra logiquement culte par la suite. Un grand film qui digère les références multiples de son réalisateur pour mieux les resservir.

Note :                 

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17/20