1943, un jeune juif de 12 ans est amené au beau milieu de la nuit chez Mariana par sa mère pour le soustraire à une mort certaine. On est en Ukraine, envahie par l’Allemagne, où le même sort qu’en Europe occidentale leur est réservé. Mariana est une prostituée dont les clients sont majoritairement des soldats du IIIème Reich ; elle vit dans une chambre avec un placard assez grand pour y cacher cet invité encombrant auquel elle va très vite s’attacher. Ce dernier va devoir vivre reclus dans un réduit duquel il pourra voir l’extérieur et l’intérieur de la chambre depuis les très faibles interstices des murs. Tenir 2h10 de film dans un espace aussi restreint en voulant sans cesse nous évoquer ce qui se passe dans la tête du petit garçon nécessite beaucoup d’ingéniosité dans la mise en scène ; et ce film ne manque pas d’imagination pour nous permettre d’accéder à la psyché du garçon. Le défi de devoir peupler des plans depuis son regard alors qu’il est enfermé est réussi. Par des flash-backs, le rêve, la réflexion éveillée ; on est avec lui de bout en bout. En tant qu’adulte, la vision tronquée de l’enfant et son hyper vigilance auditive lui permet de comprendre à sa façon ce que nous comprenons très bien des situations. Et c’est magique de regarder la Shoah sur grand écran par le petit bout de la lorgnette. Et par ce récit d’apprentissage, c’est aussi un bel hommage à l’enfance, l’âge durant lequel ce que l’on voit et entend prend un sens bien particulier que l’on comprendra peut-être bien plus tard. C’est l’histoire d’un enfant dont le champ de vision s’élargit. Emmanuel Finkiel, fidèle au roman qu’il adapte, nous permet de vivre une aventure humaine hors norme en suivant deux aventures qui nous terrassent par la beauté de l’amour désintéressé et réciproque qu’elles diffusent. Certains condamnent une scène hors champ du dernier quart d’heure issu aussi du roman apparemment. Dans la société d’aujourd’hui une telle scène passe mal, je n’ose alors penser s’il avait s’agit d’une petite juive au centre du récit ; elle s’inscrit pourtant pleinement dans le récit et de nombreux indices tout au long du film nous font comprendre le geste de Mariana. Et pour finir en beauté, parlons de Mariana interprétée par la fabuleuse Mélanie Thierry qui n’en finit pas de m’épater de films en films depuis ses débuts. Là, elle apprend l’ukrainien pour le film, c’est déjà une performance ; mais heureusement, son jeu ne se limite pas à cet exploit ; elle est habitée et nous offre encore un très beau rôle.
Un très beau film… déjà un incontournable de 2025.
Sorti en 2025
Ma note: 18/20