Finalement, la grève de la SNCF n’a pas trop perturbé les déplacements. On ne peut pas en dire autant de Junior le Terrible, 4 ans et sa soeur Regan, 2 ans et déjà possédée par Pazuzu, qui ont bien maintenu l’activité dans le carré “famille” (Addams, sans doute…) du TGV Paris-Cannes que j’ai eu le malheur d’emprunter. Comme disait le regretté Jean-Pierre Bacri dans Comme une image : “On ne peut pas baisser le son de la petite, là ?!?”. Donc, par train, disais-je avant de m’interrompre moi-même, il n’y a pas eu trop de problèmes. En bateau, les héritiers du Titanic n’ont pas rencontré d’iceberg, réchauffement climatique oblige. Et aucun avion n’a cherché à se crasher pour célébrer le retour de Destination finale sur les écrans.
Bref, les festivaliers ont pu arriver à bon port et prendre possession de la ville, transformée pour quinze jours en capitale mondiale du 7ème Art, parfois au grand dam des autochtones.
Dans les rues, on voit déjà des gens badgés courir le téléphone à la main, en train de négocier des contrats fumeu… faramineux ou une invitation pour la fête de la semaine. On débat déjà des chances de tel ou tel film à la terrasse des cafés branchés. Les restaurateurs, eux, se frottent les mains de voir débarquer tous ces clients, qui ont besoin de se substanter malgré les droits de douanes visiblement imposés sur le filet de rouget ou le pan bagnat. Pour les cinéphiles pas aisés, il y a les supermarchés, même si, à Cannes, les prix sont au-dessus de la moyenne. On y croise des petites mamies locales qui râlent contre tous ces envahisseurs venus pour le “FIF” et les obligent à faire la queue à la caisse à des horaires où d’habitude, il n’y a pas un chat. Mais la plus grande animation est au Palais des Festivals, où le personnel s’affaire pour que l’ouverture soit, comme toujours, un succès. Le tapis rouge est en place. Le bleu aussi. Les barrières de sécurité sont installées pour contenir la foule de curieux, les chasseurs de selfies avec célébrités, les collectionneurs d’autographes ou mes nombreuses admiratrices (euh, désolé, fantasme personnel…). Les talkies-walkies des vigiles sont vérifiés. Tu m’entends, Charlie? “Xzuubfhsnn!” Je prends ça pour un oui ! Le matériel de contrôle est affiné, pour le cas où un malotrus voudrait faire pénétrer un trombone dans la salle (ne rigolez pas, on peut faire des trucs dingues avec un trombone. Vous n’avez pas vu le dernier Mission : Impossible ?). Les pistolets pour scanner les billets sont soigneusement testés. Rassurez-vous, Alec Baldwin n’est pas impliqué…
Dans la salle, on installe le décor pour l’ouverture. On prépare une salle nickel. Les tenues des hôtesses sont parfaitement repassées. Le smoking de Thierry Frémaux aussi.
On vérifie les micros. Vas-y Regan, parle! Ah, non, attends! Non, non… Ta g… Non, on va plutôt faire parler Mylène. “GENERATION DESENCHANTEEEEEEE!” Ah OK, ça marche. Tu chanteras bien demain…
Bon, mais l’important, c’est le contenu du festival. Après un long feuilleton en plusieurs communiqués de presse, ou, au choix, un puzzle géant étalé sur deux mois, nous avons enfin tous les détails du Festival de Cannes 2025, prêt à débuter.
Les organisateurs avaient déjà annoncé l’essentiel de la sélection début avril. Ils ont annoncé la semaine dernière les derniers films retenus pour composer la sélection officielle. Avant cela, ils ont aussi annoncé le programme des sections annexes du festival, Cannes Classics et Cinéma de la Plage.
La section Cannes Classics fêtera quelques anniversaires, à commencer par les 100 ans de La Ruée vers l’or, de Charlie Chaplin, les 50 de Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, les 25 d’Amours chiennes d’Alejandro Gonzales Iñárritu…
Elle présentera une version restaurée de Dogma de Kevin Smith, qui fera sans doute plaisir à Léon XIV, le nouveau Pape. Elle nous fera aussi rencontrer la fille de Jayne Mansfield, Mariska Hargitay, rendra hommage à Edward Yang en projetant Yi Yi, qui avait enchanté la Croisette il y a 25 ans, et proposera le dernier film de Diane Kurys, Moi qui t’aimais, autour de la passion entre Montand et Signoret.
Le cinéma de la plage proposera une sélection éclectique de films aux festivaliers et au public, de Duel au soleil à Palombella rossa, en passant par Mélodie en sous-sol. Il pourra compter sur A toute épreuve de John Woo, en restauration 4K, pour secouer la soirée du 14 mai.
13 jours, 13 nuits de Martin Bourboulon, avec Roschdy Zem et Lyna Khoudri, sera présenté hors compétition et plongera les spectateurs dans le chaos de Kaboul, en août 2021, lors de l’offensive des talibans.
En séance spéciale, The Six Billions Dollars Man, documentaire d’Eugene Jarecki, revient sur le combat de Julian Assange pour éviter d’être extradé aux Etats-Unis, où il a été inculpé d’espionnage suite aux révélations de WikiLeaks sur les crimes de guerre commis par les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, justement.
Cannes Première gagne aussi une autre projection, celle de Ma frère de Lise Akoka et Romane Gueret, de retour sur la Croisette après Les Pires en 2022.
Enfin, Résurrection de Bi Gan, vient s’ajouter à la compétition officielle et concourra bien pour la Palme d’Or. Beaucoup avaient été déçus de ne pas le voir dans la liste annoncée par Thierry Frémaux le 10 avril dernier. Il faut dire que le cinéaste chinois est devenu, en seulement deux films, l’un des auteurs les plus singuliers et les plus enthousiasmants du paysage cinématographique mondial. En 2015, Kaili Blues avait époustouflé par son audace narrative et son brio technique. Un grand voyage vers la nuit, présenté dans la section Un Certain Regard en 2018 avait confirmé que le cinéaste possède un talent certain pour distendre le temps et l’espace et embarquer le spectateur dans des expériences uniques. Aussi, on ne peut qu’être curieux de découvrir ce nouveau long-métrage, histoire de science-fiction et d’amour entre une femme, jouée par Shu-Qi, et un homme bionique, mi-robot, mi-humain.
Le jury présidé par Juliette Binoche aura bien du travail pour départager les désormais 22 films en compétition officielle.
Les autres membres de ce jury sont désormais tous connus. Il s’agit de l’actrice américaine Halle Berry, la réalisatrice indienne Payal Kapadia, l’actrice italienne Alba Rohrwacher, l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, le réalisateur congolais Dieudo Hamadi, le réalisateur sud-coréen Hong Sang-soo, le réalisateur mexicain Carlos Reygadas et l’acteur américain Jeremy Strong.
Côté Un Certain Regard, c’est la cinéaste britannique Molly Manning Walker qui assurera la présidence du jury. Elle sera entourée de la réalisatrice Louise Courvoisier, de la directrice croate du Festival International du Film de Rotterdam Vanja Kaludjercic, du réalisateur italien Roberto Minervini et de l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart.
Pour être exhaustifs par rapport aux jurys, citons celui de la Cinef, cette compétition de courts-métrages issus des plus prestigieuses écoles de cinéma de la planète. Il sera composé de la cinéaste allemande Maren Ade, présidente du jury, le réalisateur américain Reinaldo Marcus Green, la comédienne Camélia Jordana, le producteur espagnol José María Prado Garcia et le réalisateur croate Nebojša Slijepčević. Citons aussi le jury de la Caméra d’Or, qui sera présidé par la réalisatrice Alice Rohrwacher, soeur d’Alba, qui est, elle, dans le jury de la compétition officielle. Enfin, la section Immersive, dernière-née des sections cannoises, qui propose une compétition de films en VR, sera départagée par le réalisateur français Luc Jacquet, l’artiste américaine Laurie Anderson, l’écrivaine française Tania de Montaigne, la réalisatrice britannique Martha Fiennes et le créateur de jeux vidéo japonais Tetsuya Mizuguchi.
Recheckons ensemble : La sélection ? Complète ! Les jurys ? Prêts! L’Affiche ? C’est bon (doublement) ! Le Maître de cérémonie ? Choisi (Laurent Lafitte) !
La billetterie ? Bon, opérationnelle, sans gros bug, ni retard à l’allumage. Mais c’est toujours la foire d’empoigne pour arracher un billet. Tout part en moins d’une minute. Ensuite, il faut guetter les places libérées, annoncées disponibles et cliquer suffisamment vite pour les bloquer. Souvent, l’exercice est frustrant et le message “séance complète” s’affiche. Parfois, la disponibilité est erratique. Oui mais non… Encore un coup de l’Entité de Mission:Impossible. Vivement qu’Ethan Hunt débarque pour régler ça… Car organiser un semblant de programme dans ces conditions relève de l’exploit. Mais votre serviteur sera bien fidèle au poste et bataillera pour voir les films et vous partager son avis dans ses billets quotidiens.
A demain, donc, pour le début de ces chroniques cannoises 2025 (sauf si Junior, Regan et la famille Addams sont logés dans l’appartement mitoyen !)