71 Fragments d'une Chronologie du Hasard (1994) de Michael Haneke

Michael Haneke poursuite ses thématiques sur la violence froide et clinique, déshumanisée après "Le Septième Continent" (1989) et "Benny's Video" (1992) et clôt ainsi sa "trilogie de la glaciation". Après le suicide collectif d'une famille, le meurtre sauvage et filmé d'une ado par un ado, voici donc le destin de plusieurs personnages qui ne se connaissent pas avant de se retrouver sur les lieux d'un massacre... Vienne en Autriche, on suit plusieurs personnes sur une journée a priori tout à fait normale. Des existences classiques décrites en 71 moments de vies, d'un jeune orphelin roumain à Max un étudiant de 19 ans passionné de ping-pong en passant par Un couple qui a du mal à se dire les choses ou un vieil homme seul dont le seul bonheur reste le coup de fil de sa fille. Des personnes qui vont se retrouver au même moment dans un même lieu, malheureusement... 

Parmi ces personnages citons Lukas Miko vu plus tard dans "Le Labyrinthe du Silence" (2015) de Giulio Riccardelli, "Mademoiselle Julie" (2017) de Barbara Albert, "Le Joueur d'Echecs" (2021) de Philippe Stölzl ou "Stella une Vie Allemande" (2023) de Kilian Riedhof, Otto Grünmandi qui retrouvera Haneke pour son téléfilm "Le Château" (1997) ainsi que ses camarades Branko Samarovski qui retrouvera encore son réalisateur pour "Le Temps du Loup" (2002) et "Le Ruban Blanc" (2009), puis Udo Samel vu dans "Le Septième Continent" (1989), "La Pianiste" (2001) encore de Haneke et "Silentium !" (2004) de Wolfgang Murnberger retrouvant ainsi dans ces trois films son partenaire Georg Friedrich vu également dans "Le Temps du Loup" (2003), qui retrouvera de son côté dans "La Pianiste" et "Klimt" (2006) de Raoul Ruiz l'acteur Klaus Händl vu aussi dans "Invincible" (2001) de Werner Herzog, puis retrouvera encore Branko Samarovski dans "Duel au Sommet" (2008) de Philipp Stölzl, puis dans "Dog Days" (2001) de Ulrich Seidl sa partenaire Claudia Martini vue ensuite dans "Home" (2006) de Patric Chiha ou "Rimini" (2022) de Ulrich Seidl, citons encore Anne Bennent qui retrouvera certains camardes dans "Silentium !" (2004), vue aussi dans "Lulu" (1980) de Walerian Borowczyk, "Un Amour de Swann" (1984) de Volker Schlöndorff ou "Séraphine" (2008) de Martin Provost, puis n'oublions pas le jeune roumain joué par Gabriel Cosmin Urdes dans son unique rôle au cinéma... Le réalisateur-scénariste poursuite l'exploration de ses thématiques qui font désormais partie intégrante de son cinéma, sur le fond comme sur la forme mais cette fois il fait un mix des genres en mêlant le film à sketchs ou à segments puis le film choral, un sous-genre qui sera amené au sommet avec Alejandro Gonzales Inarritu et "Amours Chiennes" (2000) ou "Babel" (2006).

Haneke nous montre des scènes du quotidien, tout ce qu'il y a de plus banal, basique et routinier dans des segments, ou plutôt fragments de durées variables. De quelques dizaines de secondes à plusieurs minutes les scènes sont souvent en plan-séquences et/ou plan fixe et rarement passionnant, routine du quotidien oblige ce que veut nous faire bien ressentir le cinéaste. On a par exemple une très et trop longue séquences d'entraînement d'un pongiste ou une très et trop longue conversation de téléphone, puis on a un dîner en tête à tête malaisant (de loin la séquence le plus frappante ! sans jeu de mot, et la plus humaine et fascinante d'une certaine façon) ou un couple qui délaisse une fillette à adopter pour un jeune garçon roumain... Il y a des séquences qui paraissent interminables, d'autres qui aurait peut-être mérités un peu plus d'importance. Le plus gênant est qu'on constate que les scènes les plus inintéressantes, ennuyeuses et inutiles sont les plus longues et les plus étirées dans le temps, malheureusement. Mais c'est aussi toute l'audace du réalisateur, poussé son style radical jusqu'au bout pour nous montrer toute la vacuité de nos existences, la déshumanisation des rapports humains jusqu'à ce qu'un d'eux craque littéralement. Mais rien n'est gratuit chez Haneke, la violence est froide et clinique mais jamais spectaculaire ou graphique. Haneke clôt sa trilogie et s'impose comme l'anti-thèse du cinéma d'action hollywoodien. Ce troisième film est sans doute le moins intéressant, la faute à 71 fragments trop différents à tous points de vue mais comme tout Haneke à conseiller.

Note :                 

Fragments d'une Chronologie Hasard (1994) Michael HanekeFragments d'une Chronologie Hasard (1994) Michael Haneke

12/20