“SOS Fantômes : La Menace de glace” de Gil Kenan

SOS fantomes la menace de glaceOn ne sait pas si vous êtes au courant, mais une terrible menace pèse sur l’humanité… La Guerre en Ukraine? Les tensions entre Israël et ses voisins du Moyen Orient? Les essais nucléaires de Kim Jong-un?  Le retour potentiel de l’agité de la moumoute à la tête des Etats-Unis? JUL a sorti un nouvel album en chaussettes-claquettes? Non, rien de tout cela… Le réchauffement climatique? Euh… Vous n’y êtes pas du tout! Ce serait même plutôt l’inverse. Figurez-vous qu’une sorte de dieu-démon antédiluvien, Garraka, a décidé d’exterminer tous les êtres humains en faisant souffler sur la planète une vague de froid glacial, générée par une armée de fantômes à son service. Mais ne paniquez pas ! Si jamais vous voyez débarquer cette créature, qui devez vous appeler? Ghostbusters !!!

On sait, depuis SOS Fantômes : l’héritage, en 2021, que l’agence de chasseurs de fantômes a été reprise par la fille d’Egon Spengler, Callie (Carrie Coon), ses enfants, Trevor (Finn Wolfhard) et Phoebe (Mckenna Grace) et son nouveau compagnon Gary (Paul Rudd). Après avoir affronté débarrassé la ferme familiale, en Oklahoma, de Gozer, Zuul et autres entités maléfiques, le quatuor s’est réinstallé à New York, dans la caserne des Ghostbusters originaux et a remis en service la voiture Ecto-1, les canons à protons et les pièges à revenants. Et au besoin, les anciens chasseurs de fantômes, hormis Egon, décédé, sont toujours prêts à croiser les effluves pour faire plier les esprits les plus récalcitrants.
Il va bien falloir l’union de tous ces chasseurs de fantômes pour affronter Garraka, un méchant plus costaud que le bibendum marshmallow géant ou la Statue de la Liberté contrôlée par Vigo le Profane. Celui-là va vite trouver un moyen assez retors de se libérer de sa prison, une relique en forme de sphère, et entamer sa croisade givrée.

Evidemment, avec une trame narrative pareille, on ne s’attend pas à une oeuvre hautement intellectuelle, mais on se dit qu’on va assister à un bon divertissement, d’autant que les auteurs ont pris soin d’incorporer tous les éléments qui ont fait le succès de la franchise, un mélange d’épouvante parodique, d’aventures et d’action menée tambour battant.
Mais voilà, au bout d’une demi-heure, on se surprend à bailler puissamment. Les effets du froid? Non, juste de l’ennui face à cet objet formaté, dont toutes les péripéties sont prévisibles. Elles s’enchaînent de façon mécanique, sans génie, en essayant de donner un peu de temps à chaque personnage. C’est peut-être là que le bât blesse. Il y a beaucoup trop de personnages et la plupart ne servent pas à grand chose. Outre la famille Spengler, on retrouve leurs jeunes comparses du film précédent, mais aussi les vétérans de la franchise originale, une équipe de scientifiques menée par Winston Zeddemore (Ernie Hudson) et un nouveau-venu aux pouvoirs insoupçonnés (Kumail Nanjiani). Difficile d’offrir à chacun son lot de scènes à défendre, mais de toute façon, était-ce bien nécessaire? Quand on voit Bill Murray assurer le minimum du minimum syndical, on se demande si sa présence était bien nécessaire… Idem pour Logan Kim, qui, au contraire, gesticule beaucoup pour tenter d’exister avec un nombre de scènes faméliques. Pour ce film, il aurait sans doute suffit de s’appuyer sur la jeune Mckenna Grace, qui est la seule à tirer son épingle du jeu dans tout ce fatras.
Autre point faible, le manque d’humour de l’ensemble. Les premiers SOS fantômes trouvaient constamment l’équilibre entre la comédie et le fantastique. Ici, c’est moins flagrant. On retrouve bien quelques-uns des ressorts comiques du film original, en plus édulcorés et l’effet de surprise ne joue plus. Le seul gag vraiment amusant et original est la fuite d’un fantôme déguisé d’un sac poubelle et semant la zizanie dans une bibliothèque.
Ajoutons aussi que le film souffre d’une surabondance d’effets numériques qui font illico regretter les guirlandes de la version “suédée” de Michel Gondry (1) et le côté bricolé du SOS Fantômes de 1984. Là encore, on pourrait paraître un rien blasés, mais cette accumulation d’effets spéciaux est peut-être une façon de masquer les insuffisance du scénario et de la mise en scène.

Car pour finir, il y a aussi un vrai manque de ce point de vue là. Le précédent opus était déjà assez oubliable, mais bénéficiait toutefois de la présence de Jason Reitman (ici producteur et coscénariste) derrière la caméra. Sans retrouver tout à fait le ton de ses meilleurs films (Thank you for smoking, In the air, Juno), le cinéaste avait su relever le niveau de la franchise après le médiocre reboot de Paul Feig, et retrouver un peu de la magie du film original. Sa filiation avec l’auteur du film original, Harold Ramis, ajoutait une dimension supplémentaire, un petit supplément d’âme à cette histoire d’héritage. Ici, on revient à un film d’exploitation ultra-basique, sans véritable personnalité, à l’image des films précédents de Gil Kenan (La Cité de l’ombre, Poltergeist (version 2015) et, dans une moindre mesure Monster house).

Bref, SOS Fantômes : la menace de glace est un blockbuster assez moyen, qui se contente de capitaliser mollement sur la nostalgie des films des années 1980 et d’accumuler paresseusement les scènes d’action.
Tant que le public suit et que le film accumule les recettes, il est hélas à craindre que Sony et Columbia continuent d’exploiter le filon jusqu’à débordement des pièges à fantômes et épuisement des charges protoniques. La fin, en tout cas, laisse la porte ouverte à bien d’autres suites. Ce sera probablement sans nous…

(1) : Dans Soyez sympas, rembobinez, les personnages réinventaient des classiques sans moyens, mais avec beaucoup d’imagination, dont Ghostbusters.


SOS Fantômes : La Menace de glace
Ghostbusters : The Frozen Empire

Réalisateur : Gil Kenan
Interprètes : Mckenna Grace, Finn Wolfhard, Carrie Coon, Paul Rudd, Dan Aykroyd, Ernie Hudson, Bill Murray, Emily Alyn Lind, Kumail Nanjiani, Celeste O’Connor, Annie Potts
Genre : Suite paresseuse qui nous laisse de glace
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h55
Date de sortie France : 10 avril 2024

Contrepoints critiques :

”Plusieurs générations d’humains et de spectres sont au rendez-vous. Toutes et tous se sont mis au diapason du mélange d’humour et de frissons qui fait le succès des « Ghostbusters »”
(Caroline Vié – 20 mn)

”Même les anciens (Dan Aykroyd, Bill Murray) sont là. Ils auraient mieux fait d’appeler un scénariste. Nostalgie cataplasme, cinéma ectoplasme. Inepte.”
(Nicolas Schaller – Le Nouvel Obs)

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