Le conquérant

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le conquérant » de Dick Powell.

Le_conquérant

« Il y a des moments dans la vie où il faut être sage et alors j’écoute tes conseils. Et des moments où il faut agir et alors j’écoute mon instinct ! »

Au début du XIIe siècle, les vastes plaines d’Asie Centrale brûlent des guerres que se livrent, depuis des siècles, des tribus rivales. C’est là que vient au monde Temüjin, fils aîné de l’une des familles de guerriers de l’un des 40 clans que compte le peuple mongol. Brave parmi les braves, il se doit de venger la mort de son père, tué par un chef tartare dont il tombe amoureux de la fille, la farouche Bortaï. La bataille s’engage, la première avant que Temüjin n’entre dans l’histoire sous le nom de Gengis Khan…

« Tu as raison de vouloir me tuer. Car tant que j’aurais des bras pour tenir un sabre et tant que j’aurais des yeux, tu sentiras ta tête de tartare vaciller sur ton cou »

Le_conquérant_John_Wayne

Au sommet de leur âge d’or, les studios hollywoodiens produisent à tour de bras au cours des années 50 de grandes fresques d’aventures spectaculaires aussi ambitieuses que fastueuses pour lutter contre la concurrence grandissante de la télévision. C’est ainsi l’époque des grands péplums (« Quo vadis », « Les dix commandements », « La terre des pharaons », « Ben Hur »), des fresques médiévales (« Ivanhoé », « Scaramouche », « Les vikings ») et des grandes épopées fantastiques (« 20 000 lieux sous les mers »). Faisant feu de tout bois, les scénaristes restent ainsi à l’affût du moindre sujet pouvant servir de prétexte à faire une grande épopée. C’est ainsi que le scénariste Oscar Millard propose à la RKO un projet de film sur la jeunesse de Temüjin, alias Genghis Khan, grand chef mongol célèbre pour avoir bâti le plus vaste empire ayant jamais existé. Pouvant compter sur l’appui d’un John Wayne très enthousiaste et impliqué, le film fut ainsi mis en chantier et la réalisation confiée à Dick Powell, ancien acteur (qui joua notamment les jeunes premiers dans les comédies musicales des années 30 avant de devenir une figure du film noir des années 40) ayant choisi de se reconvertir comme réalisateur. Mais en dépit d’un succès commercial indiscutable, le film fut assassiné par la critique à sa sortie, poussant son producteur Howard Hughes à le renier et à le tenir caché, refusant jusqu’à sa mort toutes les offres de diffusion du film à la télévision. Mais plus encore, le film restera tristement célèbre du fait de son tournage controversé sur le site de Yucca Flat, dans l’Utah – là même où l’armée américaine réalisa de nombreux essais nucléaires une dizaine d’années plus tôt – et dont on pense qu’il exposa dangereusement l’équipe du film aux radiations. Hasard ou non, de nombreux membres de l’équipe du film décèderont au cours des années suivantes de cancers, à commencer par le réalisateur et ses principaux comédiens (John Wayne, Susan Hayward, Agnes Moorehead ou encore Pedro Armendariz).

« Crois-tu donc que c’est pour me faire massacrer par les tartares que tu m’as mise au monde ? Non ! J’écraserais leurs tribus ! »

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Genghis Khan à Hollywood. Voilà sans doute l'une des rencontres les plus improbables de l'histoire cinématographique. Et ce d'autant plus qu'il est ici question d'une production secondaire avec un réalisateur de second plan et John Wayne, icône WASP par excellence, dans le rôle titre. Et ce qui devait arriver arriva. L'histoire du célèbre chef mongol passe ici à la moulinette hollywoodienne qui n'en retient que ce qu'elle veut bien en retenir. Et de fait, l'historien pointilleux – ou du moins le spectateur averti qui s'attend à un minimum de réalisme – ne pourra qu'être déçu. La jeunesse de Temüjin ne donnant lieu qu'à une banale fresque d'aventures, qui aurait tout aussi bien pu être un péplum ou un film médiéval. Qui plus est, la steppe mongole est « reconstituée » tant bien que mal dans le désert aride de l'Utah pendant que des acteurs américains (voire mexicains pour les plus typés) s'échinent à nous faire croire qu'ils sont mongols. En vain. Passé ce décalage et cette sensation de  léger ridicule, et pour peu qu'on accepte de se laisser aller au spectacle, on y découvrira un film d'aventures plutôt honnête dans sa volonté d'offrir du grand spectacle, construit sur le principe de tragédie, avec son lot d'allégeances familiales et de trahisons. Le tout étant ponctué de moments de bravoure, à l'image du supplice infligé au héros (très christique pour le coup) ou des multiples évasions de son frère. Il n'empêche, avec sa stature de colosse, John Wayne assure le spectacle dans un rôle taillé à sa démesure, tandis que la très belle Susan Hayward irradie le film de sa sensualité. On se laisserait même prendre au jeu des scènes de batailles, classiques dans leur forme mais loin d'être ridicules. Un divertissement de série b plutôt plaisant donc. A condition de faire fi de toute réalité historique. 

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation signée Patrick Brion (11 min.).

Édité par Sidonis Calysta, « Le conquérant » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en DVD depuis le 3 octobre 2023.

Le site Internet de Sidonis Calysta est disponible ici. Sa page Facebook est ici.