Winchester 73 (1950) de Anthony Mann

Ancien assistant-réalisateur devenu producteur, Aaron Rosenberg se voit confier ce projet sur une histoire autour de la Winchester 73, symbole de légende de la Conquête de l'Ouest. Au départ c'est le réalisateur Fritz Lang qui est envisagé sur un scénario de Silvia Richards mais finalement il ne poursuivra pas mais poursuit avec l'autrice sa collaboration pour le futur film "L'Ange des Maudits" (1952). La star James Stewart propose alors le nom de Anthony Mann dont il a particulièrement aimé "La Porte du Diable" (1950). Le projet s'appuie sur le roman "Big Gun" de Stuart N. Lake déjà renommé pour son biopic "Wyatt Earp, Frontier Marshall" (1931) qui s'avérera fictive des années plus tard mais qui inspira "La Poursuite Infernale" (1946) de John Ford, mais on retrouve le personnage justement dans "Winchester 73". Le scénario est co-écrit par Robert L. Richards qui venait de signer "Acte de Violence" (1948) de Fred Zinnemann, et avec surtout Borden Chase romancier adapté avec succès avec "La Rivière Rouge" (1948) de Howard Hawks, qui va devenir une référence du western avec "Vera Cruz" (1954) de Robert Aldrich, "L'Homme qui n'a pas d'Etoile" (1955) de King Vidor ou "Coup de Fouet en Retour" (1956) de John Sturges et qui retrouvera Anthony Mann pour les prochains "Les Affameurs" (1952) et "Je suis un Aventurier" (1954). Pour boucler le budget la star James Stewart accepte aucun cachet pour un pourcentage sur recettes, une première à l'époque mais belle opération pour l'acteur, qui d'un cachet prévu à 200000 dollars, gagne au final grâce au succès en salles plus de 600000 dollars ! Le succès est tel que le réalisateur va de nouveau collaborer avec son acteur sur sept autres films en moins de six ans, ils vont enchaîner aussitôt avec "Les Affameurs" (1952) jusqu'à "L'Homme de la Plaine" (1955)... 1876, Lin McAdam arrive à Dodge City où il pense trouver Dutch Henry Brown dont il veut se venger. La ville est en effervescence c'est un jour de festivité dont la grande activité est un concours de tire à la carabine réunissant les meilleurs tireurs du pays. Lin constate que Dutch est bien présent et ils se retrouvent tous les deux au concours mais chacun se retrouvent étroitement surveiller par Wyatt Earp, une légende dont la réputation dépasse les frontières de l'Ouest. Lin gagne la Winchester 73 unique mais il en est aussitôt après désaisi avec violence par Dutch et ses coéquipiers. Lin ne va avoir de cesse de retrouver Dutch et se venger... . 

La grande majorité du casting se connaissent ou tourneront plusieurs fois ensemble, retrouvant le réalisateur Anthony Mann ou l'acteur James Steward alias Lin McAdam star depuis des films comme "La Vie est Belle" (1946) de Frank Capra ou "La Corde" (1948) de Alfred Hitchcock, et il retrouvera donc Anthony Man pour encore sept films. Citons ensuite la belle Shelley Winters remarquée dans "La Rivière Rouge" (1948) et qui va devenir une star avec surtout "Une Place au Soleil" (1951) de George Stevens et "La Nuit du Chasseur" (1955) de Charles Laughton, Charles Drake qui retrouvera le duo Mann-Stewart dans "Romance Inachevée" (1954) puis dans "Tout ce que le Ciel Permet" (1955) de Douglas Sirk il retrouvera son partenaire Rock Hudson qui sera aussi dans "Les Affameurs" (1952) avec le même duo Mann-Stewart avant de devenir une star et l'acteur fétiche de Douglas Sirk pour sept films jusqu'à "La Ronde de l'Aube" (1958), Jay C. Flippen  qui retrouvera également le duo phare dans "Les Affameurs" (1952), "Le Port des Passions" (1953), "Je suis un Aventurier" (1954) et "Strategic Air Command" (1955), John Alexander vu dans "Arsenic et Vieilles Dentelles" (1944) de Frank Capra ou "Le Lys de Brooklyn" (1945) de Elia Kazan, Steve Brodie vu entre autre dans "Feux Croisés" (1947) et "Ouragan sur le Caine" (1954) tous deux de Edward Dmytryk et retrouvant réalisateur et acteur principal pour "Je suis un Aventurier" (1954), James Millican qui retrouve James Stewart et Anthony Mann dans "L'Homme de la Plaine" (1955) et "Strategic Aic Command" (1955), Stephen McNally vu plus tard dans "Les Inconnus dans la Ville" (1955) de Richard Fleischer ou "La Loi de la Prairie" (1956) de Robert Wise et qui a été auparavant remarqué dans "Pour Toi j'ai Tué" (1949) de Robert Siodmak à l'instar de Tony Curtis débutant avant de devenir une star avec des films comme "Trapèze" (1956) de Carol Reed, "La Chaîne" (1958) de Stanley Kramer ou "Certains l'aiment Chaud" (1959) de Billy Wilder, Dan Duryea qui était aussi dans "Pour Toi j'ai Tué" (1949), vu dans "La Femme au Portrait" (1944) et "La Rue Rouge" (1945) tous deux de Fritz Lang, qui retrouve Anthony Mann après "La Cible Vivante" (1945) et qui retrouvera James Stewart dans "Le Vol du Phoenix" (1965) de Robert Aldrich, Millard Mitchell vu dans "Le Carrefour de la Mort" (1947) de Henry Hathaway ou "Chantons sous la Pluie" (1952) de Stanley Donen et qui retrouvera le duo Mann-Stewart pour "L'Appât" (1953), puis enfin Chuck Roberson surtout connu comme cascadeur et doublure d'un certain John Wayne sur plus d'une trentaine de films de "L'Ange et le Mauvais Garçon" (1947) de James Edward Grant à "Le Dernier des Géants" (1976) de Don Siegel, et Chief Yowlachie amérindien forcément abonné aux westerns dont "Les Tuniques Ecarlates" (1940) de Cecil B. De Mille, "La Ville Abandonnée" (1948) de William A. Wellman ou "La Rivière Rouge" (1948) de Howard Hawks... Si le film débute comme une banale vengeance et une course poursuite à travers le far-west le film s'avère bien plus complexe et malin. D'abord il s'agit du premier vrai rôle de "cowboy"  de James Stewart qui jouait jusque là souvent des rôles de pieds tendres ou de gentils gendres chez Capra ou Koster. Ensuite le film se déroule en 1876, année charnière de la Conquête de l'Ouest avec Little Big Horn notamment, l'apogée des tireurs légende de l'ouest qu'on croise ici comme Bat Masterson ou Wyatt Earp. De nombreux détails qui façonnent un contexte socio-géo-politique du far-west alors même que la star n'est pas celle qu'on croit !

En effet, l'idée de génie est que la star n'est pas James Stewart mais bel et bien la Winchester 73 du titre, objet lauréat, objet de convoitise, la carabine devient un enjeu qui dépasserait presque le but de la vengeance. La carabine Winchester 73 passe de mai en main, passant de personnages tous aussi différents les uns que les autres qui font un beau panel de ce que représente l'Ouest dans l'imaginaire collectif (tuniques bleues, indiens, bandits., shérif... etc...). La vengeance du personnage principal reste donc secondaire. En parallèle de cette arme qui sert de fil conducteur on a aussi ce face à face entre deux frères qui renvoie à une sorte de variation autour du mythe biblique de Abel et Caïn. Jusqu'à ce final attendu car aussi nécessaire qu'inévitable, ce face à face, ce duel qui est aussi logique qu'implacable comme l'explique Anthony Mann des années plus tard : "Les deux hommes ne pouvaient pas se battre sur un terrain plat. Ils étaient trop bons tireurs et le duel n'aurait duré que quinze secondes. Dans les Rochers, au contraire, ils devaient se servir de tout leur corps et être extrement prudents, beaucoup plus qu'à découvert. De plus le duel devenait plus passionnant." Avec un scénario malin Mann signe un western singulier, rythmé et passionnant grâce aux différents niveau de lecture avec en prime le meilleur duel au fusil du cinéma. A voir et à conseiller.

Note :    

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17/20