Pas de Vagues (2024) de Teddy Lussi-Modeste

Nouveau et troisième long métrage pour Teddy Lussi-Modeste après "Jimmy Rivière" (2011) et "Le Prix du Succès" (2017) et qui a entre temps écrit pour les autres en étant co-scénariste sur "Une Fille Facile" (2019) de Rebecca Zlotowski et "Jeanne du Barry" (2023) de et avec Maïwenn. Pour ce nouveau projet, le cinéaste s'inspire de son passé en tant que professeur de lettre, période durant laquelle il a été accusé avec une lettre à la CPE, expliquant qu'il la regardait en touchant sa ceinture : "Elle a 13 ans. Les choses s'emballent. Un de ses grands frères me menace de mort." Le réalisateur-scénariste co-signe son scénario avec la talentueuse Audrey Diwan qui a connu le succès avec son film "L'Evénement" (2021) et qui a l'habitude d'écrire pour les autres surtout pour et avec Cédric Jimenez et plus récemment pour "L'Amour et les Forêts" (2023) de Valérie Donzelli. La production insiste sur le fait que le film s'inscrit dans le mouvement autour du soutien aux professeurs face au sentiment d'abandon de leur hiérarchie. Néanmoins, Teddy Lussi-Modeste précise que le film reste une fiction car le récit ne reprend pas tous les faits qu'il a vécu. Dans le genre le cinéaste a opté pour la forme du thriller surfant ainsi sur le genre et la thématique du tout récent film allemand "La Salle des Profs" (2024) de Ilker Catak... Julien est un professeur de lettre jeune et volontaire. Il tente de créer un lien avec ses élèves mais une petite maladresse lors d'un cours va créer du chahut, puis va lancer des rumeurs de plus en plus gênantes et graves. Bientôt Julien est  accusé de harcèlement sexuel envers Leslie, une élève timide. Le professeur se retrouve pris dans une tempête de plus en plus incontrôlable, et Leslie elle-même se retrouve prise dans un engrenage infernale. Devant le type d'affaire très sensible le mot d'ordre de la hiérarchie de Julien reste : pas de vagues... 

Julien le professeur de lettre est incarné par François Civil qui retrouve sa scénariste Audrey Diwan après "BAC Nord" (2021) de Cédric Jimenez et vu récemment dans "Une Zone à Défendre" (2023) de Romain Cogitore et le dyptique "Les Trois Mousquetaires" (2023) de Martin Bourboulon. Son amant est joué par Shaïn Boumedine révélation du dyptique "Mektoub, my Love" (2017-2019) de Abdellatif Kechiche ou "Pour la France" (2022) de Rachid Hami. La jeune Leslie est interprétée par Toscane Duquesne pour un premier rôle qui n'est pas sans rappeler Kim Higelin dans "Le Consentement" (2023) de Vanessa Filho. Parmi les autres élèves citons les inconnus Bakary Kebe, Marianne Ehouman ou Luna Ho Poumey et surtout Mallory Wanecque révélée dans "Les Pires" (2022) de Lise Akoka et Romane Guéret. Citons ensuite Agnès Hurstel qui retrouve aussi Audrey Diwan qui a écrit "Ami-Ami" (2018) de Victor Saint-Macary et vu dernièrement dans "Un Homme Heureux" (2023) de Tristan Séguéla, "Daaaaaali !" (2023) et "Yannick" (2023) tous deux de Quentin Dupieux, retrouvant après ce dernier film son partenaire Mustapha Abourachid habitué au monde scolaire après avoir joué dans les films de Thomas Lilti dont le récent "Un Métier Sérieux" (2023) et retrouve également après "Les Promesses" (2022) de Thomas Kruithof son camarade Walid Afkir qui retrouve de son côté son réalisateur de "Le Prix du Succès" (2017) ainsi que François Civil après "Burn Out" (2017) de Yann Gozlan, Emile Incerti Formentini aperçue dans "Jusqu'à la Garde" (2018) de Xavier Legrand ou "Sentinelle Sud" (2018) de Mathieu Gerault, Francis Leplay apparu entre autre dans "Frère et Soeur" (2022) de Arnaud Desplechin, "Les Goûts et les Couleurs" (2022) de Michel Leclerc et "Magnificat" (2023) de Virginie Sauveur, Fadily Camara aperçue dans "Tout Simplement Noir" (2020) de John Wax et Jean-Pascal Zadi, "Les Méchants" (2021) de Mouloud Achour et Dominique Baumard et "C'est la Vie" (2021) de Julien Rambaldi... Le film débute direct avec la scène de cour fatidique, fatidique et pourtant d'une banalité tout ce qu'il y a de plus classique, le malaise est d'autant plus palpable. Mais le film pêche pourtant par des détails qui finissent par parasiter l'intrigue qui va alors s'avérer un peu vaine. D'abord ce qui agace un tantinet c'est que Julien/Civil est d'une naïveté affligeante ce qui est ici problématique vu sa profession ; par exemple sa maladresse envers Leslie après laquelle il est tout penaud devant sa classe, tandis qu'il n'est pas au courant que son directeur peut déposer plainte au nom du lycée (?!), le pire... ATTENTION SPOILERS !... la caricature du prof idéaliste qui pense qu'offrir un kebab est une solution, de même il paie donc régulièrement un repas à plusieurs élèves alors que son ménage a des difficultés financières ?!... FIN SPOILERS !... 

L'intrigue ne tient pas plus la route, en effet, la plainte aurait été classé sans suite dès que la police aurait constaté l'homosexualité, et là aussi comment comprendre que le prof soit si mutique sur ce sujet alors que ça peut sauver son affaire, voir sa carrière ?! Idem pour le frère de l'élève Leslie, même bête à manger du foin et sans doute bien homophobe pourquoi reste-t-il obtus alors qu'il est évident que les accusations de sa soeur ne tiennent plus la route ?! Finalement, le plus intéressant est la relation inter-professionnelle, avec ses collègues comme avec sa hiérarchie dont un proviseur qui en fait le moins possible pour des considération bassement promotionnelle (comme souvent...). Pour finir notons un couple sans étincelle auquel on ne croit pas une seconde et une déclaration du cinéaste où on se dit qu'il n'a pas choisi une histoire qui colle avec son idée : "Mon film est un cri. Et s'il y a cri, c'est qu'il y a espoir. Il reste des hommes et des femmes qui ont le goût de la transmission - moi-même je ne me vois pas démissionner de mon poste d'enseignant malgré les difficultés. Je suis trop reconnaissant de tout ce que l'école m'a apporté. Pour déconstruire les discours de haine qui traversent notre société, nous avons plus que jamais besoin que cette transmission entre les professeurs et les élèves se fasse." En quoi une intrigue autour d'un fait divers a un rapport direct avec la transmission ?! Il est ici sujet de harcèlement, de discipline, de lien professionnel et entre élèves-prof, pour la transmission et l'âme du métier le réalisateur aurait dû lorgner sur par exemple "Un Métier Sérieux" (2023) de Thomas Lilty voir "La Vie Scolaire" (2019) de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. En conclusion un film qui aborde des points sensibles et pertinents mais dans un scénario malhabile et semé de choix peu judicieux. Dommage. Note indulgente.

Note :                 

Vagues (2024) Teddy Lussi-ModesteVagues (2024) Teddy Lussi-Modeste

12/20