Requiem for a Dream (2000) de Darren Aronofsky

Après un premier long métrage particulièrement remarqué avec "Pi" (1998) et un joli carton à plus de 3,2 millions de dollars pour un budget de seulement 60000 dollars, Darren Aronofsky revient avec l'envie d'adapter le roman "Retour à Brooklyn" (1978) de Hubert Selby, auteur qui avait fait sensation avec son premier roman "Last Exit ti Brooklyn" (1964) porté à l'écran en 1988 par Uli Edel cinéaste connu surtout pour le film "Moi, Christiane F. 13 ans, Droguée, Prostituée" (1981) autre drame sur les conséquences de la drogue. Ca tombe bien puisque l'auteur avait envisagé de porter son roman sur grand écran et qu'il avait déjà commencé à écrire un scénario. Après le succès de "Pi" le réalisateur est un espoir prometteur et obtient les droits du livre pour uniquement mille dollars mais à la condition de travailler en duo avec l'auteur. Aronofsky a été enthousiasmé par le scénario de Hubert Selby, les deux hommes collaborent alors à l'écriture, le réalisateur-scénariste ajoutant toute une dimension plus large autour de la dépendance en générale et pas uniquement sur la drogue. Le cinéaste avouera plus tard s'être aussi inspiré du film d'animation "Perfect Blue" (1997) de Satoshi Kon que Aronofsky admire. Le film reçoit des critiques excellentes mais le sujet plus le style visuel du film ne permettent pas au grand public d'être au rendez-vous, engrangeant néanmoins 7,4 millions de dollars au box-office Monde pour 4 millions de budget. Le film reste un film culte que la postérité confirmera, de surcroît bénéficiaire ce qui permettra au réalisateur de devenir l'un des plus grands de sa génération avec plus tard "The Wrestler" (2008) ou "Black Swan" (2010), tandis que Hubert Selby signera à nouveau un scénario pour "Inside Job" (2002) de Nicolas Winding Refn. Le film est interdit à sa sortie en salles au moins de 17 ans aux Etats-Unis, au moins de 12 ans en France mais sera ensuite interdit au moins de 16 ans à la télévision... Sara, veuve depuis des années, est collée à sa télévision H24 en rêvant de participer à son émission favorite s'astreint à un régime stricte pour optimiser ses chances de sélection. En attendant, son fils Harry, junkie notoire passe son temps avec sa petite amie Marion et son pote Tyrone avec qui il s'enfonce dans une spirale toujours plus infernale... 

Sara est incarnée par Ellen Burstyn  star des années 70 notamment grâce à "L'Exorciste" (1973) de William Friedkin, elle tourne la même année dans l'excellent "The Yards" (2000) de James Gray, et retrouvera Aronofsky dans "The Fountain" (2006) tandis que pour ce "Requiem" elle retrouve après "Le Patchwork de la Vie" (1995) son jeune partenaire Jared Leto remarqué entre temps dans "Fight Club" (1999) de David Fincher ou "American Psycho" (2000) de Mary Harron. Le meilleur pote Tyrone est joué par Marlon Wayans qui explose cette année-là en jouant un autre toxico plus "drôle" dans "Scary Movie" (2000) de Keenen Ivory Wayans un de ses frères avec qui il signera une floppée de comédies potaches du même genre, puis la petite amie Marion est jouée par la jolie Jennifer Connelly vue dans "Hot Spot" (1990) de Dennis Hopper ou "Dark City" (1998) de Alex Proyas, qui retrouvera Aronofsky pour "Noé" (2014) mais elle fut surtout révélée dans le chef d'oeuvre "Il était une fois en Amérique" (1984) de Sergio Leone après lequel elle retrouve Marcia Jean Kurtz remarquée auprès de Al Pacino dans "Panique à Needle Park" (1971) de Jerry Schatzberg et "Un Après-Midi de Chien" (1975) de Sidney Lumet, et qui reviendra chez Aronosky dans "The Wrestler" (2008), "Black Swan" (2010) et "Mother !" (2017). Citons ensuite Christopher McDonald aperçu dans "Thelma et Louise" (1991) de Ridley Scott ou "The Faculty" (1998) de Robert Rodriguez, et retrouve après "Quiz Show" (1994) de et avec Robert Redford son partenaire Ben Shenkman déjà dans "Pi" (1998) et vu plus tard dans "Blue Valentine" (2010) de Derek Cianfrance ou "Les Sept de Chicago" (2020) de Aaron Sorkin, Dylan Baker vu la même année dans "The Cell" (2000) de Tarsem Singh et "Treize Jours" (2000) de Roger Donaldson et qui retrouve après "Happiness" (1998) de Todd Solondz l'actrice Louise Lasser ex-épouse de Woody Allen pour qui elle a tourné dans "Prends l'Oseille et Tire-Toi" (1969), "Bananas" (1971) et "Tout ce que vous avec Toujours voulu savoir sur le Sexe (sans Jamais oser le Demander)". Citons encore Mark Margolis particulièrement marquant dans "Scarface" (1983) de Brian De Palma et qui est de tous les films de Aronosky de "Pi" (1998) à "Noé" (2014), retrouvant ainsi entre autre Samia Shoaib aperçue dans "Sixième Sens" (1999) de M. Night Shyamalan et vu dans "Pi" à l'instar de Sean Gullette vu plus tard dans "Still Life" (2006) de Jia Zhangke ou "Rock the Casbah" (2013) de Laïla Marrakchi, et surtout n'oubions pas Keith David remarqué dans "Platoon" (1986) de Oliver Stone, "Mary à Tout Prix" (1998) des frères Farrelly ou "Pitch Black" (2000) de David Twohy. Notons que plusieurs membres de la famille Aronofsky ont de petits rôles, tandis que l'auteur Hubert Selby fait un caméo en garde hilare qui se moque de Tyrone/Wayans. Notons que le réalisateur fait un clin d'oeil au film "Dark City" (1998)avec Jennifer Connelly qui se retrouve à nouveau sur un ponton scrutant l'horizon. A contrario pour Jared Leto qui jouera dans "Mr Nobody" (2009) de Jaco Van Dormael qui contient plusieurs références à "Requiem for a Dream"... Le style visuel et esthétique du film doit aussi beaucoup à trois artistes, le monteur Jay Rabinowitz fidèle collaborateur de Jim Jarmush, le Directeur Photo Matthew Libatique fidèle depuis le court métrage "Fortune Cookie" (1991) qui l'a d'ailleurs lancé, puis sans omettre l'importance de la musique si spécifique signée du compositeur Clint Mansell fidèle au réalisateur depuis "Pi" (1998) jusqu'à "Noé" (2014) et qui signera entre temps les B.O. de "Mise à Prix" (2007) de Joe Carnahan, "Moon" (2009) de Duncan Jones ou "Stoker" (2013) de Park Chan-Wook, et précisons que le musicien collabore sur "Requiem..." avec Kronos Quartet groupe à cordes déjà entendu dans "Heat" (1995) de Michael Mann... 

La première idée géniale du film réside dans sa thématique, plutôt que de rester focaliser de façon "facile" et éculé sur la simple drogue et autres stupéfiants, le cinéaste choisit de parler de toutes les addictions et il les présente dès les premières minutes du film. Outre les habituels cocaïnes, héroïnes, cannabis etc il y a donc l'incroyable dépendance au petit écran, aux "simples" médicaments, au mode du régime, mais aussi à la dépendance amoureuse ou sentimentale, et bien sûr avec comme dénominateur commun l'argent. Dans le même temps le film nous impose dès les premiers instants une certaine empathie pour les personnages, on est ému par cette veuve seule devant sa télé et résiliée au troc pour récupérer son écran, outil de magouilles qui semblent presque anodin de son fils et ses amis comme des ados sont comme dans un jeu de cour d'école, et même le "commerçant" conciliant nous paraît vite fait bien sympa alors qu'on fond on se doute qu'il prend à chaque fois sa petite commission. L'autre idée géniale est ce montage comme chapitré par les effets de l'injection de stups, en quelques images clippesques et hypnotiques on nous inflige les effets physiques d'un shoot avec entre autre la pupille dilatée ou le son du snif. Quelques secondes marquantes qui reviennent comme le refrain... d'un requiem ! Rappelons d'ailleurs que le Requiem est une prière pour des funérailles, un mot loin d'être anodin dans le titre du film. Le scénario façonne un récit à double lecture, d'un côté la mère accroc aux médocs amincissants en se gavant d'une émission débile, puis le couple de junkie qui va aller de plus en plus loin pour obtenir leur dose. D'un côté on est aussi outrée que déchirée par la déchéance de cette dame qui vit autant dans la solitude que dans la désillusion, de l'autre on est autant affligée que choquée par la descente aux enfers (littéralement !) du couple. Les scènes chocs et malsaines ne sont pourtant qu'une triste réalité, elles restent viscérales et jamais gratuites comme se vendre pour une orgie ou un bras gangréné qui fait nous rappelle que le titre du précurseur "L'Homme au Bras d'Or" (1955) de Otto Preminger reste bien glamour et que "Trainspotting" (1996) de Danny Boyle offre au moins quelques séquences gags hilarantes. Darren Aronofsky signe un drame sur les addictions plus proche du thriller horrifique, un cauchemar éveillé qui secoue comme un témoignage sans concession mais visuellement stylé entre hyperréalisme et psychédélisme. Un chef d'oeuvre à voir absolument mais âme sensible s'abstenir.

Note :    

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19/20