LES ROIS DE LA PISTE (Entretien avec Thierry Klifa) Il ne faut pas confondre le rythme et la précipitation…

Les rois de la piste le cinquième long métrage de Thierry Klifa est dans les salles depuis le 13 mars. Pour l'occasion, entretien par téléphone avec le réalisateur qui nous dit tout sur ce film jubilatoire au casting prestigieux.

Alors, déjà comment est-ce qu'est née l'idée des Rois de la Piste?
Il y avait l'envie d'abord de faire un film heureux qui rende les gens heureux. C'était quelque chose que j'avais en tête, je sortais d'une période un peu sombre qu'était le Covid et j'avais envie de légèreté, j'avais envie de m'amuser avec le genre, j'avais envie d'une comédie policière qui ferait à la fois sourire, réfléchir sur la famille, qui provoquerait des émotions, un peu comme le Family Business de Sidney Lumet ou les grandes comédies de Jean-Paul Rappeneau ou de Philippe de Broca des années 70. C'est-à-dire ne pas hésiter à faire des clins d'œil à des auteurs, à des œuvres que j'aime tout en gardant en tête le plaisir du spectateur et en se disant que ce n'était pas un film uniquement pour les cinéphiles mais qui était vraiment pour le public, pour les spectateurs.

Tu as anticipé une de mes questions, parce que moi je trouve qu'on la sent bien l'influence de Lumet et du Family Business, rien que dans les premières scènes où l'affiche. Et également dans le rythme, le cinéma de De Broca et de Rappeneau. Tu as eu d'autres inspirations que pour ce film?

Oui, on a beaucoup pensé aux comiques italiennes, au Pigeon par exemple, qui sont un peu des histoires de bras cassés et où il y a toujours quand même malgré tout un fond, même si c'est sur le ton de la comédie, il y a toujours un fond social, quelque chose comme ça qui raconte un peu de l'époque, et des sentiments. J'ai beaucoup vu aussi les grandes comédies américaines, que ce soit de Billy Wilder ou Lubitsh, et aussi les comédies des années 80 où il y avait des personnages féminins au centre, comme À la recherche de Garbo, Tendres passions, les films de Jonathan Demme, Dangereuse sous tous rapports et Veuve mais pas trop. Éclair de Lune aussi. Voilà, c'était des films que j'ai revus, auxquels je pensais, où une femme était au centre de l'histoire.

Et comment s'est déroulée l'écriture avec Benoît Graffin?

Vraiment à quatre mains, vraiment en toute complicité, en toute amitié. Benoît c'est vraiment un personnage de cinéma. Il a énormément de talent, de fantaisie, d'humour, il a un vrai sens du dialogue et on a rassemblé nos névroses pour écrire ces personnages qui sont tous un peu bancals, qui sont tous un peu sous l'influence les uns des autres, sous l'influence de cette mère très excessive, très possessive. C'est un peu la façon dont on écrit. On écrivait au café en bas de chez moi parce que Benoît ne tient pas en place, donc il aime bien bouger, s'allonger. Et puis faire les personnages. C'était très vivant. En fait, c'est ce qui était très agréable, ce qui m'a fait beaucoup de bien. En tout cas, à moi, c'était de vivre avec les Zimmermann, c'est-à-dire me coucher avec les Zimmermann, rêver aux Zimmermann. C'est que c'était très motivant d'être au sein de cette famille un peu bancale, un peu dysfonctionnelle, mais il y avait quelque chose qui était très joyeux de les retrouver, même si le scénario était vraiment compliqué à écrire, puisqu'il fallait à la fois que l'intrigue policière tienne le coup et qu'elle soit pas qu'un prétexte, et qu'en même temps ça ne prenne pas le pas sur la comédie, et que la comédie ne prenne pas le pas non plus sur ce qui ne serait que des caricatures. Et puis la comédie, il y a quelque chose du rythme, mais il ne faut pas confondre non plus le rythme et la précipitation. C'est là qu'il faut aussi laisser le temps aux choses de s'installer, laisser les personnages un peu vivre leur vie, mais ne pas être non plus uniquement et purement dans l'efficacité, ça c'est un revers qu'on peut rencontrer.

Du coup cette expérience d'écriture avec Benoît Graffin c'était vraiment différent de tes autres collaborations précédentes avec Christopher Thompson ou Cédric Anger ?

C'est toujours différent en fait, et c'est ça qui est chouette, je m'adapte à des façons d'écrire. Alors je suis très bien tombé parce que ces trois scénaristes sont à la fois très différents, à la fois des gros travailleurs et je les aime pour des raisons différentes mais à chaque fois il y a une implication totale dans le projet. c'est vraiment super.

Est-ce que le film a été écrit pour tous ces interprètes ou est-ce que certains sont arrivés après l'écriture?

Celle vraiment qui était à la base de tout c'est Fanny parce qu'elle m'a inspiré ce personnage qui finalement lui ressemble plus que ce qu'on pourrait penser. J'ai puisé en elle un peu de son caractère, des choses qu'elle pense dans la vie, et puis même des expressions. Et voilà, donc à partir d'elle, à partir du moment où elle m'a dit oui, j'ai pensé à Nicolas qui n'est jamais très loin de mon cœur, je pense très vite à lui. Et c'est une des choses dont je suis le plus fier, de l'avoir convaincu lui, d'avoir convaincu tout le monde au final, mais c'était plus une question de légitimité par rapport à Nicolas, et non pas pour les raisons qu'on pourrait imaginer, Et puis Mathieu quand je lui ai proposé le rôle, il a vu ce que je voulais faire de ce personnage. C'était très très joyeux, enfin c'était très agréable de tourner avec lui. Ça te met une certaine pression de travailler avec Mathieu, qui est quand même un grand metteur en scène, mais là on s'est vraiment super bien entendus parce qu'on racontait la même histoire, on racontait le même personnage que du coup on s'amusait à faire différentes options, où il en faisait plus que sur d'autres prises et finalement je me suis rendu compte que plus il était burlesque et plus le personnage prenait chair.

Il est incroyable dans le film d'ailleurs, parce que c'est un rôle dans lequel on n'aurait pas forcément imaginé de prime abord.

Ah bah non, ça c'est sûr, ça c'est sûr qu'on aurait du mal à l'imaginer dans ce film. En fait, la chose qui est paradoxale c'est que quand je propose à un acteur, même un acteur que je connais bien, si je savais comment il va jouer ou ce qu'il va jouer, ça ne m'intéresserait pas en fait. Ce que j'aime, c'est être surpris, être pris de cours. Et c'est vrai que souvent, là en tout cas, les acteurs sont allés beaucoup plus loin avec leur personnage que je pensais. Ils les ont emmenés à des endroits où je ne pensais pas qu'on irait. Il y avait une sorte d'émulation entre eux, mais il y avait aussi une émulation entre eux et moi. C'est-à-dire quelque chose qui était très satisfaisant. Et puis j'ai vraiment bénéficié du plaisir qu'ils avaient d'être ensemble. Ils ont très vite formé une famille. Chacun a pris sa place, comme dans cette famille Zimmermann. Et c'est vrai qu'entre les prises, ça rigolait, ça fumait des clopes, ça s'engueulait, ça se chamaillait, ça se taquinait. Ça vivait quoi, entre Fanny qui vouvoyait ses fils et Nicolas et Mathieu qui tutoyait leur mère, il y avait une complicité, quelque chose de familial entre eux.

Et justement, comment tu définirais le film? Tu as parlé de comédie policière, est-ce que c'est pas aussi un film d'arnaque, un film familial, un film un petit peu inclassable, quelque part?

Moi, si on me dit inclassable, je suis très content parce que je n'ai pas envie d'être rangé dans une case. Oui, c'est une comédie policière, mais c'est aussi un film qui pourrait être mélancolique. C'est un film d'arnaque, c'est un film un peu aussi comme les bouquins de Donald Westlake où on suit des personnages comme ça... Moi j'ai toujours été du côté des perdants magnifiques plutôt que de ceux qui gagnent à tout prix et c'est un peu comme des princes sans royaume donc je dirais que c'est un film comme ça sur des gens un peu en marge de la société, qui ont leur morale propre. Mais oui, je voulais que ça soit drôle, je voulais que ça soit burlesque, je voulais que ça soit inattendu, je voulais qu'il y ait du suspense, je voulais que ça soit beau, que ça soit surprenant. Ce film on l'a écrit aussi en pensant au spectateur et la façon dont il allait se laisser surprendre en permanence et chopé par l'histoire. Ça c'était vraiment très important pour nous.

Justement la décision de faire une comédie après des films plutôt sombres ou en tout cas sur une dominante un petit peu plus dramatique est-ce que c'est venu vraiment facilement? Est-ce que c'était comme un challenge pour toi pour changer un petit peu de style?

Ça ne s'est pas passé comme ça, c'est à dire que chaque film que tu commences à écrire ou chaque nouvelle aventure c'est un challenge. C'est-à-dire que tu ne sais jamais si tu vas arriver jusqu'au bout, tu ne sais jamais si tu arriveras à trouver des financements, tu ne sais jamais si les acteurs vont te dire oui. Enfin bon, il y a plein d'étapes à passer avant qu'un film existe. Un film c'est aussi quelque chose de protéiforme, quelque chose qui change au fur et à mesure qu'on l'écrit. C'est-à-dire que la situation de base, c'était cette mère et ses fils qui font un casse qui tourne mal. Bien sûr que ça peut être un drame, parce qu'il y a aussi une trahison, parce qu'il y a aussi quelqu'un qui disparaît, quelqu'un qui va en prison. Mais on a toujours regardé ça sous l'angle de la comédie. A la fois, je n'avais pas un vrai cahier des charges, je ne me suis pas dit qu'il fallait absolument écrire une comédie. La comédie, elle est arrivée quand le sujet s'est imposé à moi. Et que cette histoire-là, j'avais envie de la raconter sur ce ton-là, en tout cas. Donc ça, c'était important.

Alors justement, il y a une fantaisie, une légèreté du début à la fin du film qui est extrêmement plaisante. Est-ce que pour que cet état d'esprit soit permanent, il faut que ce soit prévu dès l'écriture, que ça se mette en place aussi au tournage, que ça s'affine au montage ou est-ce que c'est un mélange de tout ça?

Évidemment c'est à l'écriture parce que le scénario était très vissé quand même. Les gens me demandent beaucoup en projection si il y a eu de l'improvisation ce que je trouve finalement assez flatteur parce que ça veut dire que c'est très vivant et que les acteurs étaient naturels, mais non, le scénario était très vissé à l'écriture et après, il y avait une vraie fantaisie dans le scénario, que j'ai réussi à garder au tournage grâce à leur interprétation et qu'au montage on a essayé d'optimiser au maximum. Mais c'est pareil, quand on monte une comédie, il y a deux écueils. Le premier c'est qu'à force de voir une scène, elle perd quand même de sa saveur, elle perd de sa drôlerie, elle perd de son côté comique parce qu'on rit une fois, on rit deux fois, la troisième fois un peu moins et que tout à coup on perd ce qui est la substance même de l'histoire. Et l'autre écueil c'est au montage ce que je disais tout à l'heure, de confondre le rythme et la précipitation. Et par exemple, j'ai fait venir Mathieu à la fin du montage parce que j'avais très envie d'avoir son regard sur le film, son regard de metteur en scène, de grand metteur en scène. Et que Mathieu nous a dit voilà là vous avez coupé trop brutalement. Il nous a aidé à donner des respirations au film pour ne pas être simplement avec un montage très cut et en passant d'une scène à l'autre, parfois prendre un peu plus son temps, exposer davantage et surtout ne pas perdre le spectateur et tenir cette fantaisie. Une scène mal montée perd tout de sa drôlerie. C'est presque plus dur à monter une comédie. Parce que dans le mélo ou dans le film noir, on sait qu'il faut qu'il y ait du suspense ou de l'émotion. Et là, on jouait sur plusieurs registres, on jouait sur effectivement la comédie, sur le suspense avec un côté un peu Agatha Christie, sur un comique de situation et sur des personnages qui étaient dans des situations et des conditions très émouvantes. Donc il fallait trouver cet équilibre entre toutes ces ramifications. C'est ça qui était difficile, qu'il fallait préserver à chaque étape du film. Pareil pour la musique, c'était quelque chose à préserver au maximum. Il faut être très précis, sur le tournage, il faut être très concentré, très précis et garder une certaine distance par rapport aux acteurs et à la façon dont tout à coup la machine peut s'emballer et il peut y avoir une auto-complaisance par rapport à des choses qui nous paraissent drôles alors qu'en fait elles sont superfétatoires.

Est-ce que tu dirais que le romanesque qui prévalait sur tes précédents films se retrouve quand même dans les Rois de la Piste malgré ce versant plutôt fantaisiste?

Oui bien sûr, oui du romanesque, il y en a dans beaucoup de scènes, même dans l'histoire elle-même, puisque ça pourrait être un mélo cette histoire. Et le romanesque, oui il est inhérent à mon style et au cinéma que je fais, que ce soit un drame, une comédie, il y a toujours, j'espère en tout cas, un souffle romanesque, quelque chose qui n'est pas dans une certaine forme de naturalisme. Je voulais échapper beaucoup au film, à ce qu'on appelle aujourd'hui le film nécessaire, le film dossier, où on parle d'un sujet sociétal avec des intentions bien précises pour raconter une histoire tandis que moi, j'essaye toujours de voir le romanesque qu'il peut y avoir dans certaines situations.

On parlait tout à l'heure de Nicolas Duvauchelle, c'est ton troisième film avec lui plus une pièce de théâtre, et tu lui as confié un rôle qui n'était pas facile et dans lequel il est absolument formidable. Tu n'as pas hésité une seconde à lui faire jouer ce personnage?

Non, non, pas du tout. J'arrive parfois à voir en lui des choses qu'il ne voit pas. Là, évidemment, c'était assez loin de lui, mais ça m'amuse de l'emmener dans des territoires où il y a du défi, où il y a quelque chose qui n'est pas figé, et certainement pas de recommencer des choses qu'on a déjà pu faire ensemble. Et c'était pareil pour Les yeux de sa mère tout le monde était étonné que je lui fasse jouer un écrivain en me disant " Ah bon? " Parce qu'il sortait quand même, à l'époque, il était beaucoup dans ses personnages de bad boy, là évidemment c'était pareil, les financiers doutaient, les gens doutaient qu'il ait la capacité à endosser ce costume, ce personnage, alors que nous c'était plus une histoire de légitimité, on y est allé par palier, sans rien révéler. Il y a eu un temps de maturation pour qu'il accepte de faire le film, il y a eu de la maturation de réflexion, après on a fait des essais costumes de lui pour voir à quoi ressemblerait son personnage, après il y a eu un travail avec un coach pendant plusieurs semaines, pour qu'il puisse retrouver son espace de liberté, de créativité, que ce ne soit pas contraignant pour lui. Et très vite, Nicolas qui est vraiment un acteur instinctif, davantage que cérébral et qui est très intelligent je pense qu'à la fin du film, et je m'en suis aperçu assez vite, que ce qui lui faisait le plus peur est ce qui l'a rendu le plus heureux.

ROIS PISTE (Entretien avec Thierry Klifa) faut confondre rythme précipitation…Et alors Fanny Ardant, dont on a aussi un petit peu parlé tout à l'heure, tu la diriges pour la première fois au cinéma, tu l'as mise en scène dans trois pièces, elles semble totalement libérée de toutes les conventions avec ce personnage de matriarche à poigne. Est-ce qu'elle t'a étonné ou est-ce que tu la savais capable d'une telle liberté?

Je la savais capable d'une telle liberté mais elle m'a étonné dans la façon dont elle parlait du personnage et puis elle m'a étonné parce qu'elle ne fait jamais tout à fait ce qu'on attend et ce que je te disais tout à l'heure, c'est-à-dire que si je savais ce que les acteurs vont faire, ça m'intéresserait moins, c'est-à-dire que voilà, moi je lui donne une partition elle la joue à sa manière, à moi de recadrer si ça déborde, que ça prenne toute la place dans l'histoire ou que ça boucle les autres personnages, mais elle s'est très bien amusée, c'est une actrice qui a quand même beaucoup d'humilité et beaucoup d'instinct aussi. Et pareil, elle n'intellectualise pas, on n'est pas là à travailler pendant deux heures sur la psychologie du personnage, tout ça, ça ne l'intéresse pas. Ce qui compte pour elle, c'est l'instant, l'instant présent mais que ce soit dans la vie ou quand elle joue sur un plateau de cinéma. Jouer cette mère c'était quelque chose qui lui plaisait. Et quand on lui disait elle les aime presque trop, elle disait oui mais trop c'est mieux que pas assez. Elle a ramené son côté rebelle, son extravagance, sa façon de voir la vie en biais et de façon presque anarchique.

Ce qui est génial dans ton film c'est qu'il y a des très beaux personnages masculins, il y a évidemment des très beaux personnages féminins, il y a Laetitia Dosch qui est absolument géniale, qui est très sensuelle, qui est hilarante, c'est une pépite ce personnage. Elle était une évidence?

Non, elle n'était pas une évidence. Il a fallu que je la rencontre dans un festival et que je l'observe. Elle n'était pas très heureuse, elle avait présenté un film qu'elle n'aimait pas beaucoup, donc elle était un peu déçue. Elle fumait une cigarette comme ça, dehors. Moi, j'observais derrière la fenêtre et j'ai lu quelque chose en elle que j'avais pas décelé nécessairement dans les films qu'elle avait fait. Elle avait déjà fait beaucoup de bons films. Et quand je l'ai rencontrée, je lui ai proposé un personnage qui la sortait complètement de ce qu'elle avait déjà joué puisque je lui ai dit, je voudrais que tu sois Faye Dunaway dans L'affaire Thomas Crown. Donc il y avait déjà un enjeu qui était autre que les autres rôles qu'on pouvait lui proposer. Et elle m'a dit banco tout de suite. Mais elle m'a beaucoup, beaucoup, beaucoup inspiré au tournage. On a beaucoup réécrit avec Benoit au fur et à mesure que je tournais le film, pour qu'elle puisse arriver à faire passer des textes qu'elle était je pense la seule à pouvoir faire passer. Je lui donnais parfois le texte le dimanche soir pour le lundi. A chaque fois elle avait peur de ne pas y arriver mais voilà, ça donne ce double personnage de Céleste et de Nelly, et moi, je la trouve formidable.

Il y a Ben Atal qui confirme qu'il a vraiment un grand talent. Tu avais confiance dans sa capacité à se fondre dans ton univers?

Oui, j'avais confiance parce que déjà je ne lui ait pas fait passer d'essai. Je l'avais vu dans le film de Sandrine Kiberlain Une Jeune fille qui va bien, où au bout d'un quart d'heure du film, il disparaissait. Et comme j'aimais beaucoup le film, et Dieu sait qu'il s'est passé beaucoup d'événements entre le début et la fin, mais sa présence avait hanté cette histoire. J'ai trouvé ça assez rare qu'un jeune acteur puisse dégager suffisamment pour rester à l'esprit jusqu'à la fin du film. Donc quand je l'ai vu, je me suis dit qu'il était tout à fait crédible en fils de Mathieu, en petit-fils de Fanny, en neveu de Nicolas. Et il a trouvé sa place parmi ces grands acteurs en étant comme il est, assez détendu.

Dans ton cinéma, il y a souvent des castings forts, mais on sent aussi un amour pour les seconds rôles, comme ici avec le personnage de Michel Vuillermoz notamment, qui a une partition à défendre assez incroyable. C'est une tradition qui te tient à cœur?

A partir du moment où j'écris un film, je m'intéresse à tous les personnages, même des personnages qui sont plus brefs. Il y en a dans le film, parce que Michel c'est presque un personnage principal. C'est au fur et à mesure du film et puis de ce qui m'a inspiré, et il était arrivé avec plein d'idées sur le tournage... Après que ce soit pour Olivier Broche, que ce soit pour Zbeida Belhajamor, que ce soit pour Théo Navarro-Mussy ou Sébastien Houbani, j'aime bien qu'ils aient quelque chose à défendre, qu'ils ne soient pas juste des faire-valoir dans les scènes, qu'ils aient une vraie fonction dans l'histoire. Ça passe par la façon dont je les regarde, la façon dont j'écris le texte pour eux. J'essaie de les mettre en valeur au maximum, même s'ils viennent une demi-journée ou qu'ils ont trois répliques à dire. De toute façon, un acteur qui n'est pas bon, ça te gâche vraiment une scène. C'est pour ça qu'il faut être très très vigilant. J'adore ça, ce n'est pas une découverte, mais j'adore vraiment les acteurs.

Un mot sur ta collaboration avec Alex Beaupain pour la musique?

Alex, on est très amis, c'est la troisième fois qu'on travaille ensemble, donc il y a quelque chose comme une évidence. Ça fait longtemps que je voulais travailler avec lui au cinéma, parce que sur les pièces, je voyais bien tout ce qu'il apportait à mon travail. C'est-à-dire qu'il a un œil qui n'est jamais complaisant, mais qui n'est jamais malveillant non plus. Il a un œil sur l'intégralité du film ou de la pièce, et pas uniquement sur son travail ou uniquement sur ce que j'attends de lui. Il voit le film dans sa globalité avant de penser à sa musique. Et ça, c'est vraiment très très précieux. Parce que du coup, le dialogue s'entame à travers ce qu'il trouve qui va ou qui ne va pas dans le film. C'est quelqu'un qui connaît mes angoisses. Puis après, on a un peu les mêmes références, que ce soit cinéma, musique de film. Et la musique devait vraiment être plus qu'un partenaire, c'est-à-dire qu'elle devait raconter presque sa propre histoire. Il fallait jouer avec le genre et on a joué avec le genre. On a joué avec les musiques de Delerue, de Legrand. Il y avait une musique qu'on aimait beaucoup qui était de Michel Berger dans Tout feu, tout flamme. Ou même Morriconne ou James Bond. Il fallait s'amuser même si Alex gardait évidemment sa propre personnalité, il fallait quand même quelque part s'amuser avec tout ça.

L'accueil des Rois de la Piste en avant-première, est-ce que ça te rassure si tant est que tu en aies eu besoin sur le tournant pris par ton cinéma?

Alors ça ne me rassure absolument pas. Je suis content parce que là j'ai une presse dithyrambique sans doute comme je n'ai jamais eue à ce point-là. Ce qui m'a fait plaisir c'était, que ce soit dans les festivals où je suis allé ou dans les projections pour le public, ce qui revient en permanence, c'est " Ah, c'est un film qui fait du bien! " Voilà, c'est un film heureux. Et ça, ça me fait très plaisir. En tout cas, je peux me dire que quelque part, j'ai rempli mon cahier des charges. Après que ça me rassure, non, ça ne me rassure pas. Je préfère ça que de me prendre des tomates sur la figure. Je préfère ça que des mauvaises critiques. Mais je pense que ça fait plus de mal quand un film est rejeté que de bien quand le film est très bien accueilli comme là. Je suis très heureux, je suis très content. Maintenant j'attends de savoir les entrées que ça va faire comme tout le monde, je pense déjà au prochain film, j'ai toujours une angoisse d'avance. Donc voilà. Je suis déjà angoissé. J'ai souvent du mal à profiter de ce qui m'arrive quand c'est positif parce que je sais toujours que, enfin je pense toujours que ça va s'arrêter. Et que je pense toujours déjà à la première embûche... Voilà. Mais non, non, pour répondre à ta question, je suis très content de l'accueil. C'est juste le mot rassuré qui n'est pas le mot que j'emploierais à mon égard.

Justement, la suite ce sera quoi? Quand je t'ai rencontré en 2017, tu m'avais dit avoir deux projets de films dont un avec Cédric Anger...

Oui il est probable que je le fasse dans les mois qui viennent.

Une vie à t'attendre est sorti il y a près de 20 ans, quand est-ce que tu retournes avec Patrick Bruel ?

Il faut trouver le sujet, j'aimerais énormément le retrouver, maintenant il faut trouver le projet, il faut trouver le film, il faut trouver une histoire à sa hauteur, mais c'est un acteur que j'adore et c'est un acteur avec qui évidemment j'aimerais beaucoup beaucoup retravailler...

Propos recueillis par Fred Teper

Merci à Stéphanie Tavilla et Virginie Braillard de l'Agence Okarina qui ont permis à cet entretien de se faire.

Merci à BCG Presse