Pauvres créatures

Pauvres créaturesPlus que le Lion d’Or à la Mostra de Venise ; une expérience

Le docteur Godwin Baxter remplace le Docteur Frankenstein et la jolie bien-nommée Bella hérite du rôle de la créature. Emma Stone est bien plus charmante que Boris Karlov ; c’est bien en cela que ce film est bien différent de « Frankenstein ». La ravissante et naïve Bella attise la convoitise d’hommes qui veulent l’enfermer, la garder pour eux. La créature est très attirante et voulant découvrir le monde, mais surtout les plaisirs charnels ; elle fait des hommes ses créatures dont elle se sert pour son bon plaisir. Jeune enfant dans un corps de femme, elle fait l’expérience de la vie sexuelle d’une jeune femme à vitesse grand V ; tellement vite que pour le spectateur çà en est désarçonnant. Comment un bébé en quelques semaines peut en venir à vouloir découvrir sa sexualité à tout va ? C’est déjà une limite du scénario. Cependant, sa candeur va de pair avec une méconnaissance des conventions sociales. Elle n’est limitée par aucun carcan social ; au-delà de donner lieu à des séquences drôles ; la jeune femme nous renvoie à notre liberté étriquée. Par le regard qu’elle porte sur l’humanité et surtout sur les hommes, elle nous renvoie à notre statut de « pauvres créatures » ; ce qui en fait un personnage féministe atypique et moderne qui ne se conforme pas au patriarcat. Cela suffit-il à en faire un film féministe quand l’héroïne subit autant de misogynie de la part du réalisateur ? Difficile de trancher. Yorgos Lanthimos pour un film dédié au grand écran s’appuie sur une Emma Stone à la prestation incroyable, elle compose une Bella tout droit sortie des contes, un personnage inimaginable. Elle est à voir en VO, sa diction fait partie intégrante de ce personnage baroque. On peut juste regretter que l’écriture de ce personnage ne se limite qu’à son éveil sexuel ; on passe trop vite sur son éveil citoyen. De fait, une fois le concept posé, le film tourne avec une virtuosité visuelle manifeste, mais à vide… ou plutôt de lupanar en bordels. Visuellement, aussi, il y aurait à dire. Lisbonne, Londres, Paris, Athènes ; tous les décors ressemblent à un Barcelone rêvé par Gaudi, mais en mode sucré ; on se croirait dans « Hansel et Grettel » ; attention tout de même à l’indigestion surtout si on ajoute les foisonnants effets visuels.

C’est un conte fantastique et fantasmagorique d’un cinéaste fantasque qui mérite le grand écran… peut-être au point chez son concepteur de vouloir de manière trop appuyé renvoyer Netflix, Amazon, Disney et les autres à la médiocrité des productions pour petit écran. Mais attention de ne pas tomber dans la surenchère voire l’indisgestion : « Babyon » de Damien Chazelle, « Sans filtre » de Ruben Ostlund et celui-ci sont dans la même veine excessive plus que transgressive. Ce film fera parler des gens aux avis bien tranchés ; il choquera, ne laissera pas indifférent, c’est bien ce que l’on attend d’une œuvre d’art.

Sorti en 2024

Ma note: 13/20