A Man (2024) de Kei Ishikawa

Après une quinzaine d'années à réaliser des courts métrages Kei Ishikawa a pu passer au long avec "Gukoroku : Traces of Sin" (2016) suivi de "Mitsubachi to Enrai" (2021). Pour ce nouveau projet le cinéaste s'intéresse au "évaporés" dénommés au Pays du Soleil Levant "Johatsu", à savoir les cent mille personnes qui disparaissent volontairement (moins de 5000 en France) et pour aborder ce sujet il adapte le roman éponyme (2018) de Keiichiro Hirano, lauréat du prix Yomiuri (équivalent du prix Goncourt). Vu l'histoire et le sujet on pense évidemment au film "L'Evaporation de l'Homme" (1967) de Shohei Imamura voir plus récemment "Asako 1 & II" (2019) de Ryusuke Hamaguchi. Le scénario est signé de Kosuke Mukai qui a écrit "My Back Page" (2011) chez Nobuhiro Yamashita ou "Crows Explode" (2015) de Tishiaki Toyoda et qui retrouve son réalisateur après "Gukoroku : Traces of Sin" (2016). Le cinéaste explique : "Ce que vous voyez dans ce film est le véritable Japon d'aujourd'hui. (...) Dans le cinéma japonais, il y a eu une tendance à éviter les questions sociales, mais pour ma génération, j'ai l'impression que cela change un peu. Je voulais faire un film qui se déroule dans le monde réel, assailli par des problèmes complexes, dans lesquels l'intime et le collectif sont imbriqués." Kei Ishikawa avoue d'être inspiré de ses collègues Denis Villeneuve et Krzysztof Kielowski, ainsi que des films "Entre le Ciel et l'Enfer" (1963) de Akira Kurosawa et "Le Détroit de la Faim" (1965) de Tomu Uchida. Le film est un succès dans son pays raflant pas moins de 8 prix sur les 13 nominations aux Japan Academy Prize 2023 (équivalant Oscars ou Césars) dont les prix majeurs... Heureuse en ménage, Rie découvre pourtant que son mari n'est pas celui qu'elle croit et qu'il prétend être. Elle engage un avocat pour comprendre et connaître la véritable identité de son "mari" et qui était vraiment celui qu'elle aimait... 

Rie est incarnée par Sakura Ando vue dans "Une Affaire de Famille" (2018) et "L'Innocence" (2023) tous deux de Hirokazu Kore-Eda et "Godzilla Minus One" (2023) de Takashi Yamakazi. Citons ensuite Satoshi Tsumabuki vu dans "La Maison au Toit Rouge" (2014) de Yoji Yamada, "The Assassin" (2015) de Hou Hsiao-Hsien, "La Famille Asada" (2022) de Ryota Nakano ou "The Housewife" (2022) de Yukiko Mishima, il retrouve après "Villain" (2010) de Lee Sang-Il deux de ses partenaires, Denden vu dans "Like Someone in Love" (2012) de Abbas Kiarostami, "The Land of Hope" (2012) de Sion Sono ou "Yakuza Apocalypse" (2015) de Takashi Miike, puis l'acteur Akira Emoto vu dans "L'Anguille" (1997) de Shohei Imamura, "Zatoichi" (2003) de Takeshi Kitano, "John Rabe, le Juste de Nankin" (2009) de Florian Gallenberger ou "Une Affaire de Famille" (2018) de Kirokazu Kore-Eda. Les autres personnages sont joués par Masataka Kubota vu entre autre dans "13 Assassins" (2013) et "First Love le Dernier Yakuza" (2019) tous deux de Takashi Miike ou "Kenshin le Vagabond" (2012) de Keishi Otomo, Nana Seino vu dans "Tokyo Tribe" (2015) de Sion Sono ou la trilogie "Kingdom" (2019-2023) de Shinsuke Sato, Hidekazu Mashima vu notamment dans "The Grudge 2" (2002) de Takashi Shimizu ou "Gukoroku Traces of Sin" (2016) de Kei Ishikawa, Miyako Yamaguchi vu entre autre dans "La Femme aux Cheveux Rouges" (1979) de Tatsumi Kumashiro et "Hotaru" (2000) et "Hanezu l'Esprit des Montagnes" (2011) de Naomi Kawaze, Taiga Nakano vu dans le chefd 'oeuvre "Onoda, 10000 Nuits dans la Jungle" (2021) de Arthur Harari et "Le Lien du Sang" (2021) de Tatsushi Omori, Yoko Maki vue dans "The Grudge" (2004) de Takashi Shimizu, "Tel Père, Tel Fils" (2013) et "Après la Tempête" (2016) tous deux de Hirokazu Kore-Eda, "The Blood of Wolves" (2018) de Kazuya Shiraishi, et enfin Yumi Kawai vu dans "Plan 75" (2022) de Chie Hayakawa et "N'Oublie pas les Fleurs" (2022) de Genki Kawamura... Le film débute avec une jolie histoire de rencontre et d'amour naissant, avec toutes ces convenances de respect et de politesse à la japonaise qui nous plonge dans une société qui reste à sa manière tout à fait exotique pour nous autres occidentaux. Puis arrive une ellipse importante qui  va nous confirmer ensuite que ce prologue bien que touchant à tout du court métrage superflu tant il s'avère inutile à l'évolution du récit à venir. 

Le film démarre donc vraiment quand le drame amène à la révélation puis à l'enquête par l'avocat des familles, qu'on nommerait chez nous "parties civiles". L'avocat s'empare ainsi du rôle principal, on s'étonne qu'il enquête comme un détective alors qu'en fait il engagerait lui-même justement un professionnel de l'investigation mais c'est un mini détail. L'enquête suit son cours de façon logique, recoupant les infos en rencontrant au fur et à mesure les intéressés, les témoins... etc... Et là aussi on s'étonne qu'il ne rencontre jamais la mère du défunt et/ou l'épouse du tueur, un détail peut-être mais ça reste illogique au vu de l'enquête. Mais l'enquête fourmille pourtant de révélations et de twists, trop justement, le twist tue le twist et amène forcément à cette fin attendue. Pourtant déjà au plus simple l'intrigue était déjà assez singulière pour ne pas abuser du "mille-feuille" surtout que la mise en scène impose un ton monocorde qui met en place un suspense dénué de toute tension. Le réalisateur a voulu intégrer une dimension sociale autour du racisme mais on constate vite que c'est assez gratuit, sans réel impact ou influence sur l'intrigue elle-même. Heureusement il y a les acteurs tous fabuleux (exception faite peut-être de Masataka Kubota trop en surjeu dans les instants de détresse psychologique), plusieurs passages particulièrement émouvants et on apprécie toujours cette douceur et cette poésie qui émane de cette société japonaise même dans le drame. Une déception donc, un scénario trop alambiqué gratuitement pour nous emporter pleinement. Note indulgente.

Note :                 

(2024) Ishikawa(2024) Ishikawa

12/20