Le Grand Couteau (1955) de Robert Aldrich

Après avoir percé à Hollywood avec la singularité des westerns "Branco Apache" (1954) et "Vera Cruz" (1954) le réalisateur Robert Aldrich confirme avec le Film Noir "En Quatrième Vitesse" (1955) dont le succès lui permet de créer dans la foulée sa propre société de production Associates and Aldrich et donc de prendre son indépendance vis à vis des grands studios. Il en profite pour frapper fort en choisissant un projet audacieux, une histoire qui charge violemment le diktat des grands nababs patrons tous puissants des Majors à Hollywood : "Mon producteur est une synthèse de Louis B. Mayer, Jack L. Warner et Harry Cohn. Le sujet s'applique à n'importe quel milieu, dans les arts ou les affaires, partout où la liberté naturelle de l'homme, sa possibilité de s'exprimer, sont entravées par des dirigeants sans valeurs et tyranniques." Le producteur-réalisateur appuie encore là où ça fait mal en choisissant d'adapter la pièce de théâtre éponyme (1949) de Clifford Odets qui a été convoqué en 1953 par la Commission des activités antiaméricaines (le Maccarthysme en savoir plus ICI !). Le cinéaste fait appel à James Poe pour écrire le scénario, ce dernier retrouvera aussitôt après Aldrich pour le film de guerre "Attaque !" (1956), mais surtout il sera oscarisé pour "Le Tour du Monde en 80 Jours" (1956) de Michael Anderson et signera encore "La Chatte sur un Toit Brûlant" (1958) de Richard Brooks ou "On achève bien les Chevaux" (1969) de Sydney Pollack. Le film est malheureusement un échec malgré pourtant un Lion d'Argent à la Mostra de Venise... Charlie Castle, star de Hollywood a promis à son épouse de ne pas signer de nouveau contrat avec son producteur Stanley Hoff. Mais son producteur le met sous pression en menaçant de divulguer quelques secrets embarrassants pour l'acteur, ce dernier revient donc sur sa décision. Quand il veut faire machine arrière il est déjà trop tard... 

La star est incarnée par Jack Palance surtout remarqué dans "L'Homme des Vallées Perdues" (1953) de George Stevens, et retrouvera son réalisateur Robert Aldrich dans "Attaque !" (1956) et "Tout Près de Satan" (1959). Son épouse est interprétée par Ida Lupino star vue entre autre dans "Peter Ibbetson" (1935) de Henry Hathway ou "La Femme aux Cigarettes" (1948) de Jean Negulesco, mais surtout elle est devenue une réalisatrice de premier ordre depuis "Avant de t'Aimer" (1949) et pour encore six films jusqu'au "Le Dortoir des Anges" (1966). Citons ensuite le producteur joué par Rod Steiger remarqué dans "Sur les Quais" (1954) de Elia Kazan mais qui deviendra une star plus tard avec des films comme "Dans la Chaleur de la Nuit" (1967) de Norman Jewison, "Waterloo" (1970) de Sergueï Bondartchouk ou "Il était une fois la Révolution" (1971) de Sergio Leone. Citons ensuite Shelley Winters magnifique actrice de "Une Place au Soleil" (1951) de George Stevens et "La Nuit du Chasseur" (1955) de Charles Laughton, qui retrouvera dans la foulée Jack Palance dans le Film Noir "La Peur au Ventre" (1955) de Stuart Heisler, et retrouvera dans "Les Chasseurs de Scalps" (1968) de Sydney Pollack l'acteur Nick Cravat meilleur ami d'un certain Burt Lancaster avec qui il tournera 8 films entre "La Flèche et le Flambeau" (1950) de Jacques Tourneur et "Fureur Apache" (1972) de Robert Aldrich, Richard Boone qui ne prête que sa voix a joué avec Jack Palance dans "Okinawa" (1950) de Lewis Milestone et retrouve aussi après "Le Renard du Désert" (1951) de Henry Hathaway son partenaire Everett Sloane vu dans "Citizen Kane" (1941) et "La Dame de Shanghaï" (1947) tous deux de et avec Orson Welles, Wendell Corey qui tourne là entre "Fenêtre sur Cours" (1954) de Alfred Hitchcock et "Le Tueur s'est évadé" (1956) de Budd Boetticher et retrouve après "L'Homme à la Carabine" (1952) de Richard Thorpe l'actrice Jean Hagen vue entre autre dans "Quand la Ville Dort" (1950) de John Huston et "Chantons sous la Pluie" (1952) de Stanley Donen et Gene Kelly, Nick Dennis vu cette même année dans "A l'Est d'Eden" (1955) de Elia Kazan et "En Quatrième Vitesse" (1955) retrouvant ainsi son réalisateur Robert Aldrich ainsi que son camarade Wesley Addy revu chez Aldrich plus tard dans "Pas d'Orchidées pour Miss Blandish" (1971), et enfin Paul Langton également un habitué du cinéaste avec avant "Big Leaguer" (1953) et après "Quatre du Texas" (1963)... Quand le film débute on remarque que le style mis en place par André De Toth nous plonge dans un Film Noir, la tension est d'emblée palpable alors même qu'il ne s'agit que d'un drame psychologique et intime sur fond d'un univers de requins dans les coulisses de Hollywood. Le choix du huis clos entretient d'ailleurs ce côté anxiogène et l'angoisse qui pèse sur la vedette/Palance.

On suit une courte période alors de la vie de cette star, un petit pan d'un destin mais qui est central et fatidique. On comprend pas très bien l'ultimatum précis de son épouse, en effet, soit il ne signe pas de nouveau contrat avec son producteur soit elle le quitte, mais on se demande pourquoi arrêté le cinéma en ne pas signer avec un autre par exemple ?! Idem pour le secret par lequel le producteur "tient" son poulain, quel est réellement la preuve ?! Pourtant les personnages sont parfaitement écrits, loin des clichés entre une épouse de star "normale", ni superficielle ni snobe, une vedette non capricieuse, un producteur jeune et sans cigare, un gros bras "passe-partout", une maîtresse/stralette ni jeune ni canon de beauté... Même si on ne ressent pas vraiment d'étincelle entre Jack Palance et Ida Lupino. Les dialogues sont bien écrits, jamais sur-explicatifs, ça ne part pas dans l'hystérie ou a contrario dans la mièvrerie, et surtout il suffit de connaître les scandales et l'histoire de Hollywood (lire "Les plus grands scandales de l'histoire d'Hollywood" de Maximillien de Lafayette ou encore "La Face Cachée de Hollywood" de Kieron Connolly) pour savoir que l'intrigue est complètement crédible jusqu'à cette fin qu'on attend pas. En tous cas, il s'agit sans nul doute du plus grand rôle de Jack Palance et ça vaut déjà le détour. Un excellent film à voir et à conseiller.

Note :    

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16/20

Merci énorme à notre partenaire RIMINI Editions pour ce coffret BluRay/DVD somptueux. Plusieurs bonus avec interviews, documentaire et un livret passionnant.