Lola Montès (1955) de Max Ophüls

Dernier film du célèbre réalisateur français d'origine allemande Max Ophüls alors qu'il est au sommet après avoir réaliser ses meilleurs films avec "La Ronde" (1950), "Le Plaisir" (1952) et surtout son chef d'oeuvre "Madame de..." (1953). Pour ce projet le cinéaste choisit d'adapter le roman "La Vie Extraordinaire de Lola Montès" de Cécil Saint-Laurent, livre qui ne sera publié qu'en 1972, et qui est lui-même inspiré de la vie d'une véritable courtisane, Lola Montez (Tout savoir ICI !). Max Ophüls co-signe son scénario avec Annette Wademant qui a notamment écrit plusieurs fois pour Jacques Becker dont "Casque d'Or" (1951), qui retrouve Ophüls après "Madame de..." (1953) avant de devenir la collaboratrice et épouse du réalisateur Michel Boisrond, puis avec Jacques Natanson, homme de théâtre surtout dévolu au dialogue et qui retrouve aussi le cinéaste après "De Mayerling à Sarajevo" (1939), "La Ronde" (1950) et "Le Plaisir" (1951). Le film est à sa sortie un échec cuisant malgré des critiques pourtant bonnes. Le désastre est tel que le producteur Albert Caraco (qui ne sera plus producteur après 1958 pour devenir exportateur de films) imposent une version raccourcies et remontées, mutilées donc sans l'accord du réalisateur qui meurt avant la sortie du film. Le film reste un échec. Il faudra attendre des années avant qu'une version d'origine soit remasterisée pour une nouvelle sortie en 2008 !... A La Nouvelle Orléans, au miieu du 19ème siècle, un cirque donne en représentation la vie scandaleuse de Lola Montès, qui est passé de courtisane réputée à phénomène de foire répondant aux questions d'un public avide d'anecdotes croustillantes. Sous la direction de Monsieur Loyal Lola Montès est contrainte de dévoiler les choses les plus intimes de sa vie passée, et donc ses amants dont certains étaient célèbres comme le compositeur Liszt ou le roi Louis II de Bavière...

Le rôle titre est incarnée par Martine Carol alors au sommet de sa gloire et de sa beauté, notamment grâce au succès de "Caroline Chérie" (1951) de Richard Pottier et "Un Caprice de Caroline Chérie" (1953) de Jean Devaivre qui sont justement des adaptations des romans éponymes de Cécil Saint-Laurent, mais on peut aussi citer "Les Belles de Nuit" (1952) de René Clair ou "Lucrèce Borgia" (1953) de Christian-Jaque. Monsieur Loyal est joué par Peter Ustinov vu entre autre dans "Quo Vadis" (1951) de Mervyn Le Roy, "Le Beau Brummel" (1954) de Curtis Bernhardt ou "L'Egyptien" (1954) de Michael Curtiz. Citons ensuite Anton Walbrook vu dans "49ème Parallèle" (1941), "Colonel Blimp" (1943) et "Les Chaussons Rouges" (1948) tous trois pas le duo Powell-Pressburger et retrouve Ophüls après "La Ronde" (1950) et "Le Plaisir" (1952), Ivan Desny aperçu dans "Madeleine" (1950) de David Lean ou "La Dame sans Camélia" (1953) de Michelangelo Antonioni, Henri Guisol vu dans "La Chienne" (1931) de Jean Renoir, "Une Femme Disparaît" (1942) de Jacques Feyder ou "Theodora Impératrice de Byzance" (1954) de Riccardo Freda, Lise Delamare vue la même année dans "Les Grandes Manoeuvres" (1955) de René Clair et qui retrouve après "Pension Mimosas" (1935) de Jacques Feyder sa partenaire Héléna Manson apparue dans "Le Corbeau" (1943) de Henri-Georges Clouzot et "Le Plaisir" (1952) de Ophüls retrouvant ainsi également l'actrice Paulette Dubost vue notamment dans "Hôtel du Nord" (1938) de Marcel Carné et "La Règle du Jeu" (1939) de Jean Renoir, Oskar Werner qui sera surtout connu grâce aux films "Jules et Jim" (1962) et "Fahrenheit 451" (1966) tous deux de François Truffaut, Werner Finck qui était dans "Liebelei" (1933) de Max Ophüls après lequel il retrouve aussi son partenaire Carl Esmond vu dans "Sergent York" (1941) de Howard Hawks ou "Espions sur la Tamise" (1944) de Fritz Lang, Jacques Fayet vu juste avant dans "Napoléon" (1954) de Sacha Guitry et "Voici le Temps des Assassins" (1955) de Julien Duvivier, et enfin Jean Galland vu dans "Les Croix de Bois" (1932) de Raymond Bernard puis dans "Le Plaisir" (1951) et "Madame de..." (1953) retrouvant ainsi une partie de l'équipe... L'histoire démarre aussitôt au sein du cirque, Monsieur Loyal fait ses annonces, Lola Montès arrive bel et bien pour le spectacle, un spectacle indécent qui rappelle le temps béni des phénomènes de foire sauf qu'ici le clou du spectacle est une femme belle mais déchue qui raconte ses amours plus ou moins scandaleuses. Ce qui frappe d'abord c'est ce cirque mélange de traditionnel et d'un grand salon de balle avec ses lustres brillants de mille feux, ses étalons majestueux et aussi Lola Montès et ses toilettes qui rappelle la vie luxueuse qu'elle avait autrefois. 

Ce cirque est la cour idéale pour le réalisateur, Max Ophüls s'en donne à coeur joie avec les travellings, les mouvements fluides qui virevoltent, les panoramiques... Des techniques très visibles dans le cirque, qui se font plus discrètes quand on est dans les flash-backs. L'esbroufe et le spectaculaire du cirque se fait de plus en plus rare pour nous plonger dans les grandes étapes amoureuses que Lola Montès aurait vécu jadis. Du premier qu'elle vole à sa propre mère qui voulait la marier à un vieil aristocrate à un roi éperdument amoureux en passant par un musicien aussi indépendant que libre, le tout avec le soucis de montrer que Lola Montès n'est pas une courtisane vénale mais une victime des circonstances et des rencontres dans un monde baroque mais peut-être cruel pour une femme. La construction narrative est inspirée à l'évidence par le chef d'oeuvre "Citizen Kane" (1940) de et avec Orson Welles. Ainsi, Lola Montès est à l'agonie maison devine que cela fait bien longtemps qu'elle n'a plus goût à la vie et ce spectacle lui permet aussi de revivre ses moments de bonheur. Les couleurs sont clinquantes, les décors parfois anachroniques (carrosse luxueux avec appartement façon camping-car d'époque, puis ruine romaine tout autour) comme pour rappeler qu'il s'agit peut-être de fantasmes et de rêves imaginaires... Mais le cirque s'estompe, il apparaît de moins en moins jusqu'au grand final, on aurait aimé un Monsieur Loyal/Ustinov plus décisif, peut-être un ou deux amants supplémentaires, un indice sur la chronologie et le temps. Max Ophüls signe un drame qui manque un peu de souffle, il aurait pu être plus flamboyant mais ça reste assez fascinant pour nous emporter. A voir.

Note :                 

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15/20