Bonnard, Pierre et Marthe (2024) de Martin Provost

Après sa comédie féministe "La Bonne Epouse" (2021) le réalisateur Martin Provost revient sur un projet dont l'idée est venue juste après la sortie de son film "Séraphine" (2008). En effet, après le succès de son biopic sur la peintre le cinéaste a été approché par Pierrette Vernon, petite-nièce de Marthe Bonnard, épouse de l'artiste peintre Pierre Bonnard (Tout savoir ICI !) qui voulait le convaincre de faire un film sur sa grand-tante qui aurait été plus qu'une épouse et qu'une muse pour le peintre. Mais à l'époque le cinéaste ne voulait pas refaire un film sur un peintre et passa à autre chose. Le réalisateur tourna encore des films, puis la sortie du livre "L'Indolente" (2016) de Françoise Cloarec et la pandémie ont amené Martin Provost à s'y intéresser de nouveau, expliquant : "Marthe en était devenue l'emblème et le fétiche, les représentations de Marthe occupant presque un tiers de son oeuvre. Mais elle demeurait aux yeux du grand public une femme trouble et manipulatrice, alors qu'à ceux de Pierrette, Marthe était une femme qui s'était sacrifiée pour que Pierre accomplisse son oeuvre. Elle m'a apprit aussi que Marthe avait été peintre et elle me montra un de ses tableaux. Je fus frappé par la parenté avec Séraphine. Il s'agissait d'une petit bouquet dans un vase. Un vrai primitif moderne." Le projet a été compliqué à monter, un biopic sur une muse inconnue d'un peintre encore méconnu a semble-t-il rendu les producteurs frileux mais pas que comme le précise le réalisateur-scénariste : "Tout a bougé, en permanence. J'ai perdu tous mes chefs de postes ou presque, j'ai dû couper 15 pages du scénario en pleine préparation, il a fallu se réinventer tout le temps, aller à l'essentiel. Je crois que cela a contribué à la dimension quasi organique du film, à échapper à la reconstitution historique dans ce qu'elle peut avoir de pesant."... En 1893 le peintre Pierre Bonnard rencontre Marthe de Méligny qui se dit une orpheline de lignée noble. Elle devient vite son modèle, son amante et sa muse au point qu'un tiers des oeuvres du peintre représente Marthe. Finalement il l'épouse en 1925, et elle lui avoue alors avoir menti sur son passé mais ils vivront encore ensemble jusqu'à la fin... 

Le peintre Pierre Bonnard est incarné par Vincent Macaigne vu dans "Chronique d'une Liaison Passagère" (2022) de Emmanuel Mouret, "Quand tu Seras Grand" (2023) de Andréa Bescond et Eric Métayer et dans "Un Coup de Maître" (2023) de Rémi Bezançon où il était l'agent d'un peintre. Sa muse est incarnée par Cécile De France vue dans "Les Jeunes Amants" (2022) de Carine Tardieu, "La Passagère" (2023) de Héloïse Pelloquet et "Second Tour" (2023) de et avec Albert Dupontel. Citons ensuite Stacy Martin qui a tourné une dizaine de films en moins de 5 ans dont les productions françaises "Dernier Amour" (2019) de Benoît Jacquot, "Amants" (2020) de Nicole Garcia et "La Graine" (2023) de Eloïse Lang, Anouk Grinberg vue dans "La Nuit du 12" (2022) de Dominik Moll, "Les Volets Verts" (2022) de Jean Becker et "L'Innocent" (2022) de et avec Louis Garrel, Stanislas Merhar vu dans "Bronx" (2020) de Olivier Marchal ou "Les Secrets de la Princesse de Cadignan" (2023) de et avec Arielle Dombasle, et retrouve après "Le Cahier Noir" (2018) de Valeria Sarmiento son partenaire Grégoire Leprince-Ringuet vu récemment dans "Une Année Difficile" (2023) du duo Toledano-Nakache et retrouve aussi après "La Princesse de Montpensier" (2010) de Bertrand Tavernier l'acteur César Domboy vu dans "Eugénie Grandet" (2021) de Marc Dugain et "Le Bal des Folles" (2022) de et avec Mélanie Laurent dans lequel jouait aussi l'acteur André Marcon vu récemment dans "Les Âmes Soeurs" (2023) de André Téchiné et qui retrouve Cécile De France après "Illusions Perdues" (2021) de Xavier Giannoli, Hélne Alexandridis vue notamment dans "Lady Chatterley" (2006) de Pascale Ferran, "Suzanne" (2013) de Katell Quillévéré ou "Microbe et Gasoil" (2015) de Michel Gondry, Peter Van Den Begin vu dans "Les Ardennes" (2015) de Robin Pront, "L'Ennemi" (2021) de Stephan Streker ou "Antigang : la Relève" (2023) de Benjamin Rocher, puis enfin Vincent Londez vu dans "Lulu Femme Nue" (2014) de Solveig Anspach ou "L'Echange des Princesses" (2017) de Marc Dugain... Comme souvent ce biopic prend quelques libertés avec les faits mais dans l'ensemble c'est assez léger malgré deux gros points noirs. Le cinéaste explique  : "C'est impossible d'être entièrement fidèle à des événements qui ont été rapportés par d'autres, mais quand je suis dans mes recherches et que je prends mes notes, je laisse toujours libre cours à mon imagination en faisant tout de suite parler mes personnages. C'est par les dialogues que je cerne le mieux mes idées. Le déjeuner avec Misia et son nouveau mari Alfred, les Monet et Vuillard, je l'ai inventé bien entendu, mais tout ce qui y est dit est vrai. Les Monet et les Bonnard aimaient se rendre les uns chez les autres en bateau. Alice aimait bien faire la cuisine. C'était une femme gaie, ce qui se voit sur certaines photos. Misia était une mondaine, elle connaissait tout Paris. C'est sans sa confrontation avec Marthe que j'arrive à exprimer qu'on ne peut pas cantonner celle-ci à un rôle strictement de muse ou d'égérie." D'emblée le premier soucis reste une cohérence visuelle et physique, car lors de leur rencontre Marthe/de France dit avoir 16 ans (mais en a 24) il est alors bizarre de voir une actrice de 48 ans sans artifice qui incarne cette très jeune femme, le pire étant que Marthe ne semble donc pas vieillir pendant plus de 30 ans ! Ni Pierre d'ailleurs/Macaigne. C'est tout de même dommage ce genre d'erreur un peu bête.

Le scénario est construit avec les dates, faits avérés et événements importants de leur vie, entrecoupés d'instants fictifs imaginés par Martin Provost mais qui restent plausibles à l'exception surtout de trois passages plus ou moins maladroits... ATTENTION SPOILERS !... la dispute entre Marthe et Misia dans la rivière, la ménage à trois n'est pas prouvé et est donc un choix directif du réalisateur-scénariste forcément plus vendeur, le suicide qui se passe en réalité après le mariage et non pas avant... FIN SPOILERS !... Mais le plus gros problèmes est une omission inadmissible car elle est un événement important et un secret central dans leur relation et leur vie intime, soit les divulgations de Marthe sur sa vie passée et sa famille pour le mariage en 1925 qui est dans le film complètement occulté. Incompréhensible. D'autant plus dommage que le film reste d'une cohérence générale séduisante, d'abord sur le fond et sa réalité historique, puis sur la forme avec une mise en scène élégante, lumineuse et colorée qui colle idéalement à l'artiste qu'on surnommait le "peintre du bonheur". La relation entre Marthe et Pierre repose sur du "sexe joyeux" qui donne le sourire, sur la position de muse de Marthe mais pas que (volonté de sortir de sa situation miséreuse, l'acceptation amoureuse, sa propre inspiration...) tandis que le réalisateur soigne un style pictural, avec des cadrages merveilleux digne de tableaux avec entre autre l'importance du contexte bucolique et de la symbolique des fenêtres. Le cinéaste pense même à monter subtilement que Pierre s'inspire de Marthe sans avoir besoin de la faire poser, tandis que l'importance de la photographie (nombreuses photos de nus faîte par Pierre lui-même) est peut-être un peu trop sous-exploitée. Une ellipse peut-être trop importante amène au dernier acte, aussi un peu longue sans doute mais qui amène à un sublime travelling qui résume à lui seul la relation entre Marthe et Pierre qui reste un tableau sur le bonheur. Malgré 3-4 maladresses dont une qui coûte chère, Martin Provost signe là un magnifique biopic, un bel hommage à un peintre encore trop méconnu, mais aussi à la femme, ou plutôt aux muses sans qui rien ne serait possible. A voir et à conseiller. 

Note :  

Bonnard, Pierre Marthe (2024) Martin ProvostBonnard, Pierre Marthe (2024) Martin ProvostBonnard, Pierre Marthe (2024) Martin Provost

16/20