Un Drôle de Paroissien (1963) de Jean-Pierre Mocky

D'abord acteur, Jean-Pierre Mocky est passé à la réalisation avec "Les Dragueurs" (1959) et a depuis tracé sa route et commence à creuser son sillon dans le cinéma français en enchaînant avec "Un Couple" (1960), "Snobs !" (1961) et "Les Vierges" (1962). Pour ce nouveau projet le cinéaste adapte le roman "Deo Gratias" (1962) de Michel Servin qui participe à l'écriture du film, avec Mocky et Alain Moury qui sera un fidèle du réalisateur sur une dizaine de films jusqu'à "Les Ballets Ecarlates" (2007). A noter que vu le sujet, une grande partie du tournage a eu lieu dans des lieux de cultes, soit une vingtaine d'églises sur Paris dont la Cathédrale Notre-Dame de Paris, l'église de la Madeleine ou la basilique du Sacré-Coeur. Le film a été tourné en Noir et Blanc, mais une scène a été tourné en couleur qui a été ajouté au dernier moment car il fallait rallonger unpeu la durée du film afin de se rapprocher du standard de 1h30... Très croyant, Georges Lachaunaye appartient à une vieille famille aristocratique désargentée dans laquelle il est inimaginable d'exercer un travail. Mais les difficultés financières le pousse à trouver une solution qu'il croit trouver en allant prier. C'est alors qu'il pense voir dans le geste d'une paroissienne un signe de Dieu : c'est grâce à l'église qu'il va pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, en se servant dans les troncs des églises...

Un Drôle de Paroissien (1963) de Jean-Pierre Mocky

Au casting, au départ ça devait être Fernandel mais ce dernier a préféré refusé ne voulant pas retourner à l'église après plusieurs "Don Camillo" (1952-1970) et ce même si il incarnera le fameux prêtre encore dans deux films, il semblerait que c'est plutôt une question financière qui poussa Fernandel à décliner. C'est l'associé de l'acteur, un certain Jean Gabin qui conseille au cinéaste de prendre Bourvil. Malgré les réticences de son entourage, Bourvil accepte avec enthousiasme après avoir lu le scénario. Mais vu les limites du budget, Bourvil accepta un pourcentage sur les bénéfices, juteuse idée car le film est un succès (2,4 millions d'entrées France) et qu'au lieu d'un cachet de 60000 francs il gagnera 10 fois plus ! Idem, alors que Louis De Funès était pressenti pour l'autre rôle principal, il déclina alors qu'il était en train de devenir n°1 du box-office et sera remplacé par Francis Blanche. Ainsi l'aristo voleur est incarné par Bourvil monstre sacré du cinéma hexagonal avec entre autre "Garou-Garou le Passe-Muraille" (1951) de Jean Boyer, "La Traversée de Paris" (1956) de Claude Autant-Lara ou plus tard "Le Cercle Rouge" (1970) de Jean-Pierre Melville, et qui tournera ensuite encore 3 films avec Mocky, à l'instar de son partenaire Francis Blanche et ses 8 films avec Mocky, qui vient de tourner aussi avec Georges Lautner dans "Le Septième Juré" (1961) et surtout "Les Tontons Flingueurs" (1963). Le cinéaste fait appel à de nombreux acteurs fidèles ou plutôt qui vont le devenir, avec Jean Poiret (9 films ensemble), Jean Tissier (5 films), son épouse d'alors Véronique Nordey (5 films) vue encore récemment dans "Le Collier Rouge" (2018) de Jean Becker, qui retrouve d'autres partenaires avec Mocky scénariste-acteur également après "La Tête contre les Murs" (1959) de Georges Franju dont Jean Galland (2 autres films) qui fut remarqué la première fois dans "Les Croix de Bois" (1932) de Raymond Bernard, et Roger Legris (tous les Mocky des années 60) partenaire récurrent du Gabin des années 1935-1939, Pierre Pérez (5 Mocky) acteur récurrent chez Marcel Carné vu aussi dans "Les Yeux sans Visage" (1960) de Georges Franju ou "La Fiancée du Pirate" (1969) de Nelly Kaplan, n'oublions pas Denise Péronne (5 Mocky) vue aussi dans "Jeux Interdits" (1952) de René Clément ou "Le Soupirant" (1962) de Pierre Etaix, Jean-Pierre Mocky lui-même aperçu entre autre dans "Orphée" (1949) de Jean Cocteau ou "Senso" (1954) de Luchino Visconti, puis surtout n'oublions pas son acteur le plus fidèle, Dominique Zardi et ses 29 films avec Mocky ! Outre plusieurs grands seconds couteaux à l'affiche, citons encore Jean Yonnel vu dans "Strass et Compagnie" (1915) de Abel Gance ou "Le Capitaine Fracasse" (1961) de Pierre Gaspard-Huit, et enfin Bernard Lavalette vu dans "La Belle Américaine" (1961) de Robert Dhéry et plus tard retrouvant de nombreux acolytes dans "Le Viager" (1971) et "Les Gaspards" (1973) tous deux de Pierre Tchernia... 

Un Drôle de Paroissien (1963) de Jean-Pierre Mocky

Le film fit scandale à l'époque, pas étonnant, la France était alors encore très pratiquante n'était pas prête (surtout l'Eglise !) à voir cette comédie caustique sur le financement de l'Eglise catholique mais pas que puisque les profiteurs et les faineants en prennent aussi pour leur grade. On savoure de voir Bourvil est petit bourgeois désargenté, profiteur au sein d'une famille qui s'assume : "Nous sommes une goutte de paresse dans un océan de labeur." Les techniques de vol ne manquent pas de créativité jusqu'à l'entrée enjeu de la fameuse brigade de surveillance des Eglises menée par un Francis Blanche impayable. La lutte reprend la sempiternelle guerre policier contre voyou façon chat et souris font un cache-cache. C'est quand on pourrait croire que ça devient redondant que Mocky surprend son monde, alors que le film est en Noir et Blanc arrive soudain une sorte de rêve éveillé en couleur ! C'est à la fois un peu trop surréaliste et l'originalité du film. Le plus décevant reste peut-être les déguisements, ils manquent vraiment trop de crédibilité, on reconnaît trop facilement les protagonistes ce qui gâche un peu le gag. Mais l'humour offre un décalage aussi drôle que cynique, le ton acerbe du fond passe crème grâce au jeu constant des personnages comme des acteurs. Un très bon moment à voir et à conseiller

Note :  

Drôle Paroissien (1963) Jean-Pierre MockyDrôle Paroissien (1963) Jean-Pierre MockyDrôle Paroissien (1963) Jean-Pierre Mocky

15/20